16 ème année
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Prénoms algériens authentiques (mis à jour et augmenté)
Sommaire :
7°) Les poèmes : Sin Isefra sɣur Malek Hud :
1°_ Si Muḥend UMḥend
2°_ Tayri D tafsut m yijeǧǧigen
Numéro 81 Janvier 2016
Aḥric seg "Aɣerrabu n ugafa n Ilpo Koskela,
tazwart s tsuqilt sɣur Hamza Amarouche :
Numéro 81 Janvier 2016
Une lecture de Yiwen wass deg tefsut, roman d’Amar Mezdad
par Amar Ameziane
Amar Mezdad est un écrivain qui possède indiscutablement un projet littéraire. Son œuvre qui se construit et s’étoffe progressivement, sa quête constante d’une langue toujours plus belle et son expérimentation de divers genres littéraires parmi lesquels la poésie (cf. le recueil Tafunast igujilen, 1977) et la nouvelle (cf. le recueil Tuγalin, 2003) ne peuvent que le confirmer. Le roman, ou plus exactement ce qui est connu sous le nom d’ungal, est le genre qui mobilise tout l’investissement de l’auteur. En effet, il en est à son cinquième. Après Iḍ d wass (1990), Tagrest Urγu (2000), Ass-nni (2005) et Tettḍilli-d ur d-tkeččem (2014), il a récemment édité Yiwen wass deg tefsut. Certes, le genre romanesque reste encore en phase expérimentale dans la littérature kabyle, mais, de par leur qualité, les textes que Mezdad publie contribuent à donner au genre une assise plus solide.
Le présent article ne vise pas à faire une analyse thématique du roman mais à examiner quelques aspects (juste quelques-uns) de sa facture. Les événements se déroulent un jour de printemps... Loin de vouloir raconter une histoire de façon linéaire et classique, Mezdad fait se croiser et se rencontrer des personnages et des destins singuliers, unis dans un même lieu (qui pourrait être Bgayet, Tizi-Wezzu ou Bouira), un même jour et autour d’un même événement qui les concerne tous d’une façon ou d’une autre : le Printemps Noir. En ce jour de printemps, une foule de jeunes et de moins jeunes, motivés pour la plupart par le désir de manifester alors que d’autres se sont retrouvés là par hasard, converge vers le centre-ville. Ce point de convergence, censé être le lieu d’une tribune pour l’expression d’un désir de liberté et de vie meilleure, sera le théâtre de sanglantes répressions. Des jeunes tels Briruc où Γilas, vont tomber sous les balles tirées de la terrasse du bâtiment de la gendarmerie par Fawzi, un gendarme qui obéit, avec enthousiasme, aux ordres donnés par ses supérieurs de canarder les manifestants. Si le fil conducteur est le Printemps Noir, le roman développe d’autres thématiques à travers lesquelles Mezdad fait, comme à l’accoutumée, une radiographie qui révèle une société rongée par les conflits.
On peut s’étonner, dès la première page, des titres que Mezdad attribue aux différents chapitres mais au fil de la lecture, on se rend compte que le procédé a une fonction cruciale : il permet au lecteur, en l’abence de linéarité dans le récit, de retrouver le fil d’un chapitre à un autre. Ainsi, le titre “Wa jeddi ԑli !” est l’expression par laquelle se clôt un chapitre antérieur et à sa vue, le lecteur retrouve vite ses repères et sait qu’il s’agira de la suite du dialogue entre Utudert et son grand-père Jeddi ԑli. De même que le titre « Ṛedwan tura d ttajer » indique un changement dans la vie, mais pas dans la nature, du personnage, qui quitte le maquis pour se convertir au commerce illicite dit trabendo, et signifie une progression du point de vue narratif.
La narration est peu classique. En effet, au lieu d’un narrateur omniscient qui sait plus que les personnages et qui les « manipule » à sa guise, celui du roman Yiwen wass deg tefsut intervient, par endroits, avec parcimonie pour mettre succinctement en scène les personnages qu’il laisse ensuite se raconter à travers leurs monologues. Par d’autres, ses commentaires alternent avec les monologues des personnages. Ces monologues permettent d’accéder à leurs pensées secrètes et leurs sentiments les plus profonds, de sonder leurs âmes jusqu’à révéler leurs rêves prémonitoires. Ainsi, en page 68, le lecteur lira avec beaucoup d’émotion le discours de Frawsa, l’épouse de Lxewni assassiné par les terroristes et la mère de Γilas, qui, dans un songe, voit arriver un malheur à son fils. En page 132, on ne peut rester indifférent au discours de Muḥend Ameẓyan qui décrit son état de santé actuel suite à une attaque perpétrée par des terroristes. En laissant ainsi les personnages se raconter et témoigner de leur vie intérieure, le narrateur respecte cette part de l’intime qui est en chacun d’eux. Lorsqu’il laisse s’exprimer Redwan, le terroriste “repenti” reconverti au commerce, le but est tout autre : il s’agit de se démarquer de son discours et de sa vision du monde.
En plus des monologues, on apprend davantage des personnages à travers leurs dialogues. Le dialogue entre Sliman et Muḥend-Amezyan est l’occasion d’un retour sur un passé commun - ils sont tous deux victimes du terrorisme, mais également l’opportunité de révéler des vérités historiques peu connues (ex. l’histoire du Lieutenant Ouchen, pp. 152-153). Un procédé qui souligne la richesse de la dimension documentaire chez Mezdad. Le narrateur intervient par ailleurs pour faire des réflexions, à l’instar de celle qu’il émet sur le progrès scientifique (p. 134) et qui mieux qu’un médecin pour en parler?, ou commenter la situation des jeunes laissés à l’abandon (p. 137).
Le narrateur réserve sa pleine présence aux deux derniers chapitres du roman. Dans l’avant-dernier, il décrit le cynisme de Fawzi qui tire sans état d’âme sur les jeunes manifestants et jette de la terrasse son collègue qui tente de le raisonner. L’omniscience du narrateur s’explique ici par le désir de restituer la vérité sur les tueries du Printemps Noir, des événements dans lesquels les autorités s’entêtent à voir de simples échauffourées. Dans le dernier chapitre, le narrateur dépeint la tristesse qui s’abat sur la ville et les villages le soir de ce jour fatidique. La douleur des mères kabyles est à son paroxysme dans le cri de la mère de Briruc, le jeune poète, lorsqu’elle apprend la mort de son fils tombé sous les balles assassines de Fawzi, le gendarme… On retrouve, enfin, la clef relative au tableau d’Edvard Munch en première de couverture du roman. Si le tableau symbolise « l'homme moderne emporté par une crise d'angoisse existentielle », dans le roman de Mezdad, le cri traduit la douleur atroce d’une mère (p. 224). Alors que les mères des victimes n’arrivent plus à fermer les yeux, Fawzi, le bourreau, tombe allègrement dans un sommeil profond après avoir longuement exulté sur le toit de la gendarmerie en chantant “ One, two, three...”…
On sait depuis Iḍ d Wass que Amar Mezdad, médecin de profession, est un fin observateur de la société kabyle dont il diagnostique les maux et les multiples crises (identitaire, économique, de sens, des valeurs, etc.). Il sait depuis son cabinet de médecin, qui est loin d’être une tour d’ivoire, que la société n’est jamais homogène : elle est faite d’une pluralité d’individus et de visions du monde. Le romancier en lui est particulièrement attentif à cette pluralité dont il tente de rendre compte à travers plusieurs personnages.
A la lecture du roman, on est tenté de classer les personnages par couples (par deux), et selon leurs affinités et leurs ressemblances, des affinités qui peuvent reposer sur l’âge (Briruc/Γilas), sur un passé commun (Sliman/muḥend-Ameẓyan), qui peuvent être professionnelles (Frawsa/Wezna). Entre Ṛedwan et Fawzi existent des ressemblances idéologiques. La proximité entre Utudert et son grand-père Jeddi ԑli, qui va au-delà de l’aspect filial, est très marquante dans le roman.
Utudert, acquis à la sympathie du narrateur et du lecteur, est le pivot du roman, celui qui fait, malgré son jeune âge, une sorte de jonction entre les générations. L’intelligence aiguisée, vif et fortement attaché à sa culture, il tente de lutter contre les carcans et le désœuvrement dans lequel on enferme les jeunes de son âge. Il est le symbole d’une jeunesse laissée à l’abandon. Ses dialogues avec son grand-père sont des moments forts du roman, qui révèlent chez lui une finesse certaine et une conscience aiguë des enjeux identitaires, politiques, économiques qui régissent sa société. Jeddi ԑli est un “sacré personnage” ! Cet ancien combattant, qui a tant voyagé, a beaucoup d’expérience dans la vie. Malgré son âge et son asthme qui peut s’avérer handicapant, notamment lorsque les gaz lacrymogènes arrivent jusque chez lui au quatrième étage, Jeddi ԑli fait preuve d’une force et d’une mémoire extraordinaires. Et Utudert éprouve un malin plaisir à le titiller. On retiendra également sa conscience de la nécessité de fixer les souvenirs, les faits historiques et son insistance auprès de son petit-fils pour qu’il les sauvegarde par écrit. Le motif de l’écrit revient plus d’une fois dans le texte (ex. p. 182).
Frawsa et Wezna travaillent ensemble au collège mais rien ne semble vraiment fonder leur amitié. Alors que la première incarne le dévouement d’une mère sacrifiant sa vie pour Γilas son enfant et la loyauté d’une veuve inconsolable résolue à rester fidèle à Lxewni, son mari assassiné, Wezna, fille de Jeddi ԑli, offre l’image d’une femme moderne, qui peut l’être jusqu’à l’excès, au point de pourrir la vie de son mari et de le contraindre au divorce.
La rencontre entre Sliman et Muḥend Amezyan, par l’intermédiaire de Utudert, va révéler au lecteur deux destins ressemblants (“yiwen uεekkaz i γ-yewwten”, p. 155) et réveiller des souvenirs. Tous deux sont victimes du terrorisme mais la ressemblance ne s’arrête pas à ce malheur commun à leurs vies. Ainsi, Sliman, médecin de son état, décrit par Utudert comme quelqu’un de bien, pâtit d’une vie de couple désastreuse. Muḥend-Amezyan, de son côté, que le lecteur connaît depuis Iḍ d Wass le premier roman de Mezdad, a lui aussi échappé à la mort dans les mêmes circonstances. Au fil de la discussion, revient un souvenir important : lorsque Muḥend Amezyan a été attaqué par les terroristes, Sliman a été son chirurgien d’où la solidité présumée de leur amitié naissante.
Alors que Redwan incarne la figure du terroriste “repenti”, clin d’œil à la « concorde civile », et de la réussite rapide par le biais du trabendo, Fawzi, le gendarme, est, lui, l’image de la force et de la violence à l’état brut. Né de parents inconnus, élevé comme beaucoup de ses coéquipiers dans les rangs des forces dites de sécurité, il est soumis aux ordres de ses supérieurs et ne manque guère de zèle quand il s’agit de les appliquer. Redwan et Fawzi forment un couple illustrant l’impunité des tueurs de citoyens innocents parmi lesquels des jeunes qui ne demandent qu’à vivre dignement. Ici, le roman devient un lieu de dénonciation des toutes les formes d’arbitraire (violences, intimidations) exercées par les terroristes et l’Etat...
Briruc, une graine de poète, et Γilas, fils d’une victime du terrorisme, incarnent la jeunesse dont le seul tort est de sortir dans la rue pour réclamer le droit de vivre dans la dignité. Mais la dignité est absente du vocabulaire de Fawzi qui, non sans jubilation, tire à balles réelles abat Briruc et blesse Γilas.
Ainsi, il y a dans le roman Yiwen Wass deg tefsut une panoplie de personnages dont on découvre les rares moments de bonheur et les multiples malheurs. Le mérite (l’un des mérites) de Mezdad est de faire se croiser tous ces destins dans une même histoire et de permettre à son lecteur d’accéder à leurs pensées et motivations les plus profondes par un regard littéraire nuancé, moins univoque sur la complexité du réel, différent du discours manichéen ambiant.
Ecrire un roman est plus exigeant qu’écrire un simple récit car alors que le second se contente de focaliser sur les événements, le premier exige de rendre compte de la complexité du monde, d’où la nécessité de forger une langue littéraire qui sort de la langue quotidienne et lui fait violence. Chez Mezdad, cette langue se traduit d’abord au niveau lexical (on connaît ses infatigables efforts dans ce domaine). Le roman Yiwen wass deg tefsut est d’une richesse lexicale telle que le lecteur est maintes fois « contraint » d’ouvrir un dictionnaire. Lorsque, par endroits, la périphrase n’est pas suffisante, la néologie vient au secours de la langue littéraire. On retrouve également des expressions puisées de la langue usuelle mais leur insertion judicieuse dans le texte leur confère une tournure littéraire. Ainsi, l’expression mamma-s (p.49) véhicule à elle seule une charge ironique qui contribue à dépeindre le personnage. Des expressions comme “aman n Maεrur” (un mirage) font plaisir à lire, tout comme “baba-k ad yebren deg uẓekka-s” (p. 101), une expression qu’on dirait calquée sur “ton père se retournerait dans sa tombe” mais qui sort tout droit de la bouche de Γilas. Une belle langue est faite aussi de références littéraires comme “Tajenwit n Ǧeḥḥa” (p. 165) ou d’expressions qui nous en rappellent d’autres de façon intertextuelle. On éprouve un malin plaisir (oui, on est dans le plaisir esthétique) à compléter l’expression “d ucmiten i yettcemmiten” (p. 162) par cette autre expression “d imeεfan i ifuken aman” d’Aït Menguellet, comme si Mezdad laissait volontairement son lecteur compléter par lui-même. Cette intertextualité, ce dialogue implicite entre auteurs, fait partie intégrante de la littérarité. Conscient de la nécessité de renouveler la langue et de la moderniser, Mezdad crée de nouvelles figures stylistiques, à l’image de la comparaison (p. 215) forgée à partir du vocabulaire des moyens technologiques : “anecfu-ines d aḍebsi uselkim isefḍen dayen, aformati i t-ijerḍen yerra-t d ilem”, la mémoire de la mère de Sliman est comparée à un CD formaté et donc vidé son contenu.
Mezdad est conscient que la littérature ne peut pas se contenter d’être uniquement une quête esthétique (d’une belle langue) et qu’elle doit associer à sa vocation artistique une quête éthique pour ne pas rester immobile dans une société meurtrie par les conflits et les scénarios mortifères à répétition ; c’est la raison pour laquelle, son roman est un espace de dénonciation à peine déguisée de la bêtise, de la barbarie exercée à l’égard des jeunes d’où la tonalité grave du récit, une gravité que n’atténue pas l’humour disséminé à travers le texte. Lisez ce texte de Mezdad, vous en sortirez convaincus que le roman en kabyle a de beaux jours devant lui.
A lire : Amar Mezdad, Yiwen wass deg tefsut, auto-édition, Ayamun 2015.
© Amar Ameziane, juillet 2015.
Numéro 81 Janvier 2016
Étude d’éléments socioculturels et historiques d’un conte kabyle : Adrar aberkan
par Djamal AREZKI
Conférence présentée le 18 août 2014 dans le cadre du festival de la chanson kabyle à Bgayet
Sommaire
Introduction
1-Les tentations aliénantes de la vie
2-Ruptures et renaissances symboliques
3-Subsistance de croyances anciennes avec les croyances musulmanes
4-Autres valeurs
4-1-Générosité et hospitalité
4-2- La symbolique de puissance
4-3- La monogamie
Conclusion
Bibliographie
Analyse du conte adrar aberkan
Introduction
Le conte – Tamacahut - est un genre oral kabyle qui se transmet de bouche à oreille depuis des siècles. Son importance culturelle n’est plus à démontrer. Dès le XIXe siècle, les orientalistes s’y intéressent de prés et ont pu sauver de l’oubli un corpus considérable de contes et de légendes.
Cette présente étude portera un regard anthropologique sur un de ces contes classiques : Adrar Aberkan, très connu du reste. Adrar a une importance particulière dans la culture kabyle, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle - adrar n lεezz - la montagne de la dignité.
Sur le plan symbolique, la montagne- adrar- :
«Est multiple : il tient de la hauteur et du centre. En tant qu’elle est haute, verticale, élevée, rapprochée du ciel, elle participe du symbolisme de la transcendance ; et tant qu’elle est le centre des hiérophanies atmosphériques et de nombreuses théophanies, elle participe du symbolisme de la manifestation. Elle est ainsi rencontre du ciel et de la terre, demeure des dieux et terme de l’ascension humaine. Vue d’en bas, de l’horizon, elle apparaît comme la ligne d’une verticale, l’axe du monde mais aussi l’échelle, la pente à gravir. La montagne exprime aussi les notions de stabilité, d’immobilité, parfois même de pureté… » [1]
L’adjectif aberkan- Noire lui ajoute du mystère, de la curiosité, de la hauteur- tellement haute qu’on ne la voit pas car elle est « lieu de rencontre du ciel et de la terre », une dose de danger, « demeure des dieux » et des démons ; ce qui augmente son aura, son prestige aussi.
Ici, mon objectif est de relever puis d’analyser quelques éléments d’ordre symbolique, culturel, social et historique du moment qu’un conte est profondément enraciné dans l’environnement culturel qui lui a donné naissance et dans lequel il se nourrit constamment au fil du temps.
Je passerai en revue la vie du héros Mohand typiquement kabyle puis les péripéties de son aventure qui comportent beaucoup du merveilleux mais aussi d’éléments symboliques qui appartiennent à l’imaginaire collectif kabyle : croyances diverses, croyances nouvelles et anciennes, le rapport du Kabyle à la vie et aux autres, les valeurs sociales et humaines : générosité, hospitalité, etc.
En substance, je cernerai l’univers du conte dans lequel évolue le héros ainsi que les valeurs didactiques que ce conte véhicule.
1-Les tentations aliénantes de la vie
Ce conte passe en revue les trois âges d’un homme normalement constitué physiquement et accompli socialement dans un environnement imaginaire typiquement méditerranéen comme l’attestent les péripéties de ce conte classique kabyle. Il s’agit d’un être social, jeune, inexpérimenté qui est projeté d’emblée dans les dédales de la vie et ses différentes tentations parfois aliénantes : addiction aux jeux du hasard, à la débauche, le rapport à l’argent et au pouvoir etc. C’est le cas du jeune Mohand que son père « accable » d’une grande responsabilité : gérer les affaires courantes auxquelles il n’est nullement préparé. L’apprentissage se fait sur le tas, avec ses risques et périls…
L’enfance : période d’innocence sur laquelle le conte ne souffle mot mais on la sent, on la déduit, on la devine puisque le jeune Mohand est induit en erreur par son innocence : il est jeté en pâture à la vie et qu’il n’existe pas d’apprentissages sans erreurs, selon la philosophie de la vie kabyle (nḥeffeḍ ad nimγur, inna-as wayeḍ : Ala nḥeffeḍ alamma nemmut). Il fréquente un lieu de débauche après le départ de son père à la Mecque : l’un (le père) part pour se purifier puisqu’il est âgé, adulte et que la vie est dure, donc tentante, au même moment, l’autre (Mohand), jeune et inexpérimenté, part à l’apprentissage de la vie. Jusque-là, il était enfant sous la protection bienveillante de son père. Il n’est nullement préparé à affronter la vie.
L’adolescence : ponctuée par ses aventures, ses pérégrinations et les épreuves qu’il a affrontées d’abord dans un lieu de débauche et de jeux du hasard (donc lieu de tentations diverses) puis dans la montagne Noire. Autant d’épreuves initiatiques. Ces épreuves ont forgé sa personnalité, l’ont mûri pour qu’il devienne homme en l’espace d’un temps relativement court- le temps que dura le voyage de son père de son lieu de résidence à la Mecque et retour- sachant qu’à cette époque-là les gens voyageaient à pied ou, au mieux, à dos de cheval ou de chameau.
L’âge adulte : Confirmé et ponctué par son mariage- Iga axxam, d argaz - (comme tout Kabyle qui se respecte). Il a fini par épouser sa destinée ; la princesse des démons, celle qui lui a sauvé sa vie à plusieurs reprises. Ce mariage est aussi prémonitoire puisque son père, deviendra, à son retour de la Mecque (ascension sociale, El Hağğ) roi de la contrée. Mohand sera donc appelé à devenir roi puisque le système royal est par définition héréditaire. Son mariage ne pourra se faire avec une roturière (la fille du village qu’il a projeté d’épouser avant de retrouver magiquement la mémoire) mais avec une fille du sang et du rang royaux (la princesse des démons). En acceptant de contracter ce mariage, la princesse des démons accepte de s’humaniser (c’est-à-dire, elle quitte le monde du désordre et de l’anthropophagie pour intégrer celui des hommes). Il s’agit donc d’un mariage à la fois réel et symbolique à double titre : c’est un prince et c’est une façon d’honorer sa dette envers la princesse qui lui a sauvé la vie.
2-Ruptures et renaissances symboliques
1-En quittant la maison et le confort du cocon familial sécurisant pour aller dans le monde extérieur inconnu donc aventureux et plein de dangers (confirmé par la suite du conte), Mohand opère une rupture symbolique: passage de l’enfance à l’adolescence.
En enfreignant les lois sociales- fréquentation d’un lieu de débauche fort dévalorisant dans la culture kabyle,- il symbolise la menace, la désintégration et la rupture de la cohésion sociales-Mohand est sanctionné par la perte de la fortune de son père. Socialement il est exclu du jeu social (matérialisée symboliquement par le tenancier du lieu de débauche - être humain comme lui-qui l’a congédié sans ménagement-, puisqu’il a failli à son devoir : il est indigne de la confiance que son père a placée en lui (mačči d argaz), même si le risque zéro n’existait pas puisqu’il était jeune et inexpérimenté. Son père avait pris des risques inconsidérés en chargeant son fils d’une mission et d’une responsabilité dont Mohand n’était pas capable d’assumer.
Le roi des démons (par opposition aux humains) lui a permis de récupérer non seulement sa fortune mais aussi sa place dans la société (d argaz, yerra-d ayla-s, yerra-d agelzim s axxam symboliquement). Symboliquement aussi, c’est une renaissance. Mais ce retour à la « normale » a un coût : la dette envers le roi des démons matérialisée par sa promesse d’aller lui rendre visite à la Montagne Noire (par opposition à la Mecque). Et comme tout Kabyle qui se respecte, la dette doit être honorée à n’importe quel prix et au péril de sa vie. C’est ce qu’il a fait en relevant tous les défis du démon (prix symboliques).
Oulamara[2] voit dans ces pérégrinations du héros « (…) les symboles cycliques et de retour, ainsi que les drames qui en découlent en vue d’une régénération future. (…) Entendons par "régénération" (ré-génération) le quête symbolique du renouvellement du groupe social, et ce, dans le contexte du conte, par un éventail de symboles à caractère universel.»
Ainsi à y bien regarder, les épreuves que le roi des démons impose à Mohand ont toute une relation avec la fertilité (Lacoste-Dujardin, op. cit.) : défrichage de la forêt et plantation d’arbres fruitiers abondants, l’épreuve des lièvres et de la grappe de dates attachée à un palmier qui touchait les nuages. La même remarque est valable pour les épreuves qu’il a affrontées lors de sa fuite avec sa campagne : le jardin fleuri, le mur et le maçon et la marre d’eau. Tous ces éléments symbolisent la notion de fertilité dans l’imaginaire kabyle.
2- La rupture que lui a permis la princesse humanisée par sa générosité, (elle lui apporte à manger), sa capacité à aimer vs haïr, sa compassion (elle allège sa souffrance), et sa solidarité (elle use de ses pouvoirs magiques pour l’aider à relever les défis de son père) etc. En échappant aux griffes de son bourreau de roi, il renaît symboliquement au prix d’une dette tacite contactée auprès de la princesse qu’il se doit d’honorer selon le code culturel kabyle (Taqbaylit). Le prix à payer sera le mariage officiel.
3-Subsistance de croyances anciennes avec les croyances musulmanes
Le conte met en évidence la présence de deux mondes parallèles : l’un est humain, visible, palpable incarné par Mohand (nom hybride : diminutif de Mohammed (référence à la religion nouvelle qui est l’islam) mais à consonance kabyle. Ce prénom est très fréquent aussi au Maroc. Ceci d’un côté. De l’autre, le monde de l’invisible incarné par le roi des démons. Cette vision du monde est explicitement citée dans le Coran.
Le conte est donc pourvoyeur de valeurs socioculturelles incontestables comme l’atteste aussi la vision purement masculine de la vie sociale à travers ce conte.
Ainsi on trouve dans l’épisode de la fuite de la princesse et de Mohand la répartition des rôles sexués exactement comme dans la culture kabyle (oppositions fondamentales ou binaires) :
-Jardinier (masculin, travail d’homme) et jardin (typiquement féminin, symboliquement fécond et fécondable).
-Maçon (typiquement masculin dans la culture kabyle) et mur (féminin, produit du maçon).
- Crapaud/ Grenouille.
- Pigeon/ Colombe.
4-Autres valeurs
4-1-Générosité et hospitalité : Valeurs intrinsèques à la kabylité (Taqbaylit) incarnées par la vieille de la masure (taxibuqt vs axxam- voir plus loin-) qui accepte d’héberger la princesse malgré son dénuement total.
Sens de l’honneur kabyle[3] (honorer sa dette à n’importe quel prix) et sens d’engagement (fidélité à la parole donnée).
4-2-La symbolique de puissance
La bague (référence à taxatemt n Waεmer yefεel et à celle de Salomon-Sidna Sliman) symbole de puissance absolue, qui tombe dans l’eau (symbole de la vie mais aussi de la purification) annonce un ordre nouveau, un retour à la vie normale. En oubliant la bague magique dans la marre (eau), Mohand oublie du coup son amante. Il sort ainsi du monde magique, du monde merveilleux vers le monde réel.
Ce retour symbolique et réel au monde des humains est attesté par son arrivée à son village natal et par son mariage « normal » avec une fille de son village (donc de son espèce) après l’euphorie des retrouvailles.
Ce mariage lui permet aussi d’opérer une autre rupture d’ordre social importante : passage de l’âge de l’adolescence à celui d’adulte (d argaz). Pour être d argaz (par opposition à ambur), il faut fonder un foyer, socialement valorisant et religieusement obligatoire pour assurer la pérennité de l’espèce humaine. Mais dans la culture kabyle, argaz accompli, c’est celui qui honore ses dettes. Mohand est redevable vis-à-vis de la princesse des démons. Mais à cause de son amnésie, il ne put satisfaire à cette exigence.
Cette amnésie a pour origine une autre croyance kabyle : deεwessu n lwaldin ou l’imprécation. En désobéissant à ses parents, la princesse a subi le malheur de l’oubli de la part de son amoureux Mohand pour qui elle a pourtant sacrifié sa vie et renoncé à son monde (celui des démons) et à son rang (la princesse qu’elle finira par retrouver plus tard) et ce à cause de l’imprécation de sa mère : Ruḥ ad ig Rebbi tettwattuḍ akka i tettuḍ baba-m d yemma-m.
Par ailleurs, le conte fait explicitement référence aux croyances musulmanes en évoquant le pèlerinage à la Mecque qui constitue un des cinq piliers de cette religion. L’univers du conte est donc celui du village vs ville (vie citadine) islamisé ou adapté depuis l’islamisation. Le père de Mohand, riche, remplit donc les conditions nécessaires et satisfait aux conditions exigées pour accomplir ce devoir religieux (les pauvres n’y sont pas astreints).
Les autres références d’ordre spatial et onomastique (villages, montagne, Mohand) attestent de l’ancrage purement kabyle de ce conte.
4-3- La monogamie :
Mohand, après son retour au village natal, songe à se marier comme tout Kabyle qui s’accomplit. Il a choisi une femme- la fille de son village- et s’inscrit ainsi dans le régime monogamique. Rares sont les contes où l’on fait référence à la polygamie des héros, à l’exception de certains rois-Igelliden-
Dans ce conte, Mohand était sur le point de se marier quand la princesse des démons lui rafraichit la mémoire à travers l’aventure des deux pigeons. En sortant de son amnésie, il l’a épousée en remplacement de la fille du village- sa première fiancée-. Il aurait pu les épouser toutes les deux mais il a fait son choix : la monogamie. Lacoste-Dujardin parle de mariage-consécration (Le Conte kabyle, 1991). Il s’agit aussi du mariage-accomplissement puisque socialement, argaz d win igan axxam, celui qui se marie.
La symbolique de axxam : « (…) n’est pas seulement le lieu privilégié de l’existence féminine. La maison se trouve être aussi le lieu de rencontre de l’homme et de la femme, le point d’accomplissement de leur complémentarité ; la matérialisation visible de la famille, l’inscription sur le sol, la fondation en terre et la construction qui correspond à la cellule sociale fondamentale, à l’organisation élémentaire mais humaine et civilisée, par opposition à la nature sauvage et désordonnée.»[4]
Conclusion
A travers la lecture de conte, il apparait clairement que ce genre qui appartient à l’oralité se prête merveilleusement à l’analyse écrite et se présente comme un miroir dans lequel il est possible de voir les différentes facettes cachées de la société qui l’a « enfanté ».
Le conte a aussi une visée didactique (il enseigne et prépare les jeunes à la vie). Il leur enseigne les notions de courage, de bravoure- tirrugza-, le sens du sacrifice, le sens de la dignité et de l’honneur, de la générosité, du partage – le cas de la vieille femme démunie qui consent quand même à partager le peu qu’elle avait avec une étrangère- tinnebgit n Rebbi-), etc.
Le rêve de l’homme est l’aventure, la quête de la liberté et la découverte de l’autre. C’est le cas de Mohand car la symbolique du voyage va dans ce sens :
« (…) est la quête de la vérité, de la paix, de l’immortalité, dans la recherche et la découverte d’un centre spirituel. »[5]
Le conte est donc l’âme des peuples par lequel il exprime ses angoisses, ses peurs, mais aussi son humanité, son espoir et son devenir : «Le peuple conserve les débris des traditions anciennes. Il remplit en cela la fonction d’une sorte de mémoire collective plus au moins subconsciente dont le coin tenu est manifestement venu d’ailleurs. »[6]
Allaghen (Tazmalt), le 24 juillet 2014.
Bibliographie sommaire
LACOSTE-DUJARDIN, Camille, Le Conte Kabyle, Etude ethnologique, Editions Bouchène, Alger, 1991.
Dictionnaire des symboles, Éditions Robert Laffont/Jupiter, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant.
Sitographie
Emile Dermenghem, in : http--alger-roi_fr.mht : Légendes Kabylesb / la litterature populaire magrebine, contes, documents algériens, consulté le 01 août 2014.
http://www.u-grenoble3.fr/ouamara/fichiers/contekabyle.html, consulté le 01 août 2014.
Numéro 81 Janvier 2016
ENTRETIEN AVEC L’ÉCRIVAIN NASSERDINE AÏT OUALI
«La production romanesque en kabyle se développe lentement»
Entretien réalisé par Hocine.M
paru in Dépêche de Kabylie du 4/11/2015
Nasserdine Aït Ouali est docteur en littérature française de l’université Paris 8. En 2007, et en pleine réforme du système éducatif algérien, il a été sollicité par le HCA (Le Haut-Commissariat à l’Amazighité) pour encadrer et former des enseignants de langue amazighe à la pédagogie de projet, une méthode préconisée à l’époque par le ministère de l’Éducation nationale. En 2013, il coordonne et présente un ouvrage de ces enseignants-chercheurs formés à la pédagogie de projet, « De la pédagogie de projet et de l’enseignement de la langue amazighe en Kabylie », paru aux éditions L’Odyssée. En 2015, il publie une étude des romans et nouvelles kabyles dans un ouvrage très intéressant et qui sera, vraisemblablement, utile pour les enseignants et les étudiants dans le sens où le terrain de la critique littéraire amazighe est encore à ses débuts, voire à l’état embryonnaire. Sous le titre « L’écriture romanesque kabyle d’expression berbère », cet ouvrage de 196 pages est paru aux éditions L’Odyssée. Il a accepté de répondre à nos questions.
La Dépêche de Kabylie : Dans l’avant-propos de votre livre (L’écriture romanesque kabyle d’expression berbère), vous avez écrit qu’on ne peut pas encore parler de «Roman kabyle». Pourquoi ?
N.Aït Ouali : Il y a des romans kabyles mais on ne peut pas encore
parler de «Roman kabyle» car, cette écriture n’est pas encore arrivée à se
constituer une identité. La production romanesque en kabyle se développe
lentement. Ce n’est pas avec quelques romans qu’on peut y arriver. D’autant
plus que l’écriture romanesque kabyle d’expression berbère se caractérise
par des influences diverses : littérature kabyle de tradition orale,
littérature française et littérature arabe. Ce qui complexifie encore cette
construction identitaire.
Mis à part son insuffisance quantitative, qu’est-ce qui caractérise aussi cette production romanesque ?
Elle se caractérise par des insuffisances au niveau qualitatif pour un
certain nombre de récits publiés comme romans ou nouvelles. Ces textes sont
«bricolés» à différents niveaux : narratif, poétique, esthétique, etc. Leurs
auteurs se contentent le plus souvent de raconter une histoire sans faire
d’effort au niveau de l’écriture pour leur donner un minimum de littérarité.
Certes, on est dans le récit mais on demeure au seuil de l’écriture
romanesque.
D’autres choses caractérisent cette production au niveau des thématiques, de
la poétique, de l’édition ou la réception, entre autre. La quête identitaire
(amazighe) collective est prise en charge par les auteurs d’une partie
importante des romans et nouvelles. La lutte pour la reconnaissance,
l’institution de la langue et la culture amazighes occupe des espaces
importants de la production romanesque kabyle d’expression berbère même si
on note une diversification thématique au cours des dernières années.
L’écriture romanesque kabyle subit l’influence de l’oralité et de la
littérature orale qui continuent de constituer l’essentiel de l’hypo-texte
d’origine berbère des romans et nouvelles. Même si on constate l’existence
d’une intertextualité dans cette jeune littérature, les références
socioculturelles et les dialogues se font essentiellement avec la culture de
tradition orale et les littératures étrangères (à la Kabylie). En plus de
l’autoédition qui se taille une part importante de la production romanesque,
un éditeur public et quelques maisons d’édition privées répondent
modestement aux attentes des auteurs et de leurs lecteurs. Mais l’exigence
de qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Amar Mezdad publie des romans
(cinq) depuis trente-deux ans. Il est considéré comme la référence de ce
genre dans la littérature kabyle. Le recours à l’autoédition par cet auteur
soulève des interrogations quant à la prise en charge éditoriale de ce genre
littéraire et à la politique du livre en Algérie (s’il en existe une !).
Cela n’est pas sans rapport avec la réception : le lectorat de cette
littérature romanesque est en voie de constitution et la critique
indispensable à son évolution émerge.
La littérature kabyle d’expression amazighe a besoin de l’attention et du
soutien des pouvoirs publics pour qu’elle se développe rapidement. Il faut
rappeler que l’Etat algérien qui a frappé de toutes sortes d’interdits la
langue et la culture amazighes, est responsable de leurs difficultés
actuelles. Il est de son devoir de «réparer» ses injustices.
Malgré toutes ces insuffisances, la littérature écrite kabyle évolue sans doute, notamment pour le roman et la nouvelle.
Ces genres sont relativement «très jeunes». Le récit qu’on considère
comme le premier roman kabyle d’expression berbère est Lwali n wedrar de
Belaïd Aït Ali (1946). Ce n’était pas l’intention de l’auteur d’écrire un
roman, puisque ce récit a été publié dans Les Cahiers de Belaïd Aït Ali dans
la partie «Contes». Ce n’est qu’à partir de 1973 que l’on commence à
s’interroger sur son inscription générique avec Paulette Galand-Pernet. On
peut dire que Belaïd Aït Ali a été le précurseur de ce genre dans la
littérature kabyle.
À partir de 1981, avec le premier roman de Rachid Aliche (Asfel), la
production romanesque se développera lentement. On peut compter une bonne
vingtaine de romans aux qualités littéraires et esthétiques indéniables. En
2015, à plus de deux mois avant la fin de l’année, on a déjà vu la parution
de 4 romans (un record !) avec les publications de Amar Mezdad, Aomar
Oulamara, Mhand Askeur et Salem Zenia : je ne compte pas les récits courts
publiés comme romans.
Pouvez-vous nous dire plus au sujet de ces publications ?
Depuis une vingtaine d’années, des récits plus ou moins courts sont
publiés comme des romans. Certains sont dénués du minimum poétique et
esthétique nécessaire pour faire une œuvre littéraire.
On constate dans certaines publications des artifices pour multiplier le
nombre de pages : format réduit du livre, marges plus importantes que
nécessaire, usage de polices de caractères de grande taille et interlignes
plus grands. On peut ainsi allonger artificiellement un récit de 50 pages
pour en faire un livre de 100 pages ou plus ! Cela dénote que les auteurs et
éditeurs de ces récits (qui se partagent la responsabilité de cette anomalie
éditoriale) sont conscients que ces ouvrages ont des problèmes avec les
usages universels de l’écriture de romans.
Qu’en est-il de la nouvelle ?
Ce genre est investi par plus d’auteurs que le roman avec lequel il partage
des insuffisances au niveau poétique et esthétique. Etant un récit court, la
nouvelle ne nécessite pas autant d’investissement psychologique que le roman
qui a besoin de beaucoup plus de temps pour sa conception et réalisation. Et
cela encourage beaucoup de candidats à l’écriture et à la publication. Cet
«afflux» relatif d’écrivains, conjugué à une insuffisance de la critique
littéraire, a comme conséquence la parution de beaucoup de nouvelles qui se
situent quasiment au niveau du «degré zéro de l’écriture littéraire». Cette
production (comme celle de romans de même qualité) doit représenter une
étape dans le développement de cette très jeune littérature et la
construction de son identité.
On peut noter que pour ce genre, contrairement au roman, de plus en plus de
femmes publient leurs récits.
Que représente la production féminine dans cette écriture romanesque ?
Pour la nouvelle, les femmes occupent de plus en plus d’espace. D’un point
de vue qualitatif, elles partagent les succès et les insuffisances de leurs
collègues masculins.
Pour ce qui est du roman, un seul récit a vu le jour. Son auteur, Lynda
Koudache, qui s’apprête à publier son deuxième roman. La qualité de
l’écriture de Lynda Koudache, son abnégation et une bonne réception de ses
publications, encourageront sans doute d’autres femmes qui écrivent en
tamazight à affronter l’étape de l’édition.
D’après cet état des lieux, on comprend que des conditions minimales sont nécessaires pour espérer un bel avenir à la littérature kabyle, peux-tu nous donner votre point de vue, à ce sujet, en guise de conclusion ?
Comme la littérature romanesque kabyle est très jeune, elle a besoin de
beaucoup d’attention, de «soins» et d’accompagnement. Pour évoluer, elle a,
surtout, besoin d’un engagement fort et permanent des écrivains et des
lecteurs, ainsi que de celui des éditeurs et distributeurs qui ont une
conscience identitaire amazighe. Il est du devoir, aussi, des pouvoirs
publics de promouvoir cette littérature. Malgré toutes les difficultés et
obstacles qu’elle rencontre, je suis optimiste quant à l’avenir de notre
littérature amazighe.
Entretien réalisé par Hocine.M
Numéro 81 Janvier 2016
EST-ELLE POSSIBLE UNE STANDARDISATION PROPREMENT AMAZIGHE ?
par El Hossaien FARHAD
Enseignant-chercheur à la faculté
pluridisciplinaire de Nador
Faut-il revoir les autres méthodes appliquées aux autres langues et imaginer une standardisation spécifiquement amazighe vu la réalité particulière et le statut particulier de cette langue à travers l’histoire ?
Pour parler de l’amazighe au Maroc, il faut situer cette langue au sein du marché linguistique. Ce dernier est plurilingue dont l’amazigh fait parti.
Le problème de la standardisation de l’amazighe n’est pas uniquement intrinsèque, inhérent à la langue, lié uniquement à la norme, mais aussi extrinsèque dépendant de la place de cette langue au sein de la politique linguistique au Maroc.
Il s'agira de définir les linéaments d'une stratégie globale d'aménagement tenant compte du contexte pluriel dans lequel elle s'inscrit et des attentes de la société langagière qui la reçoit afin de lui assurer des chances de succès.
Nous n’allons pas traiter ces difficultés extrinsèques à la diffusion de la norme, plutôt nous allons nous satisfaire des difficultés liées à l’unification de la langue amazighe au Maroc.
Pour tenter d’expliciter les problèmes de l’unification de l’amazighe, nous allons voir quels sont les aspects qui différencient les diverses variétés de l’amazighe, les unes des autres et sur quels aspects sont-elles plus semblables les unes par rapport aux autres. Pour ce faire, nous allons parler de quatre aspects principaux à considérer pour toute unification d’une langue et spécialement de l’amazighe: l’aspect lexical, l’aspect syntaxique, l’aspect morphologique et l’aspect phonétique.
1. L'aspect lexical
Quelle est la différence entre les variétés de l’amazighe en ce qui concerne leur vocabulaire ? Les Imazighen, à travers l’histoire, avaient connu de nombreuses invasions de peuples étrangers: Phéniciens, Romains, Byzantins, Vandales, Arabes, Français et Espagnols. Cependant, les Arabes avaient influencé le plus les Imazighen, et la langue arabe avait assurément laissé les plus grandes traces sur la langue. En fait, la majorité des amazighs avaient perdu leur langue maternelle, sous l’islamisation, en faveur de la langue arabe qui était devenue, par conséquent, leur langue maternelle et quotidienne, mais c'est une version de l’arabe qui est plus ou moins influencé par l’amazighe. Néanmoins, en dépit de l’impact des langues des conquérants, le tamazight avait gardé encore un grand pourcentage de son vocabulaire origine.
La variation lexicale est un phénomène naturel, un fait linguistique qui, dans la pratique, se manifeste dans une langue déterminée à une époque, dans un lieu, dans un group social...comme changement de mots et de structures. La variation linguistique est un fait universel, dépendant des différences de groupes de personnes ou de situations. Elle caractérise toutes les langues. Il faut noter qu’il existe un fonds en amazighe, il suffit de l’exploiter, mais scientifiquement et objectivement, en prenant en considération les trois grandes variétés du Maroc.
Le lexique commun à toutes les variétés de l’amazighe concerne un certain nombre de secteurs comme le corps humain, l’habitat, les couleurs, entre autres. Mais le lexique reste parmi les domaines de la langue où la variation est la plus perceptible. Les différents cas de figure vont de la synonymie, au glissement de sens à l’antonymie ou sens contraire, etc. Tout en sauvegardant la richesse lexicale de la langue, il faut gérer sa variation dans une langue
unifiée. Les différentes options, à titre indicatif, sont de considérer comme synonymes plusieurs mots qui ont le même sens, de redistribuer les mots de sens opposé en affectant un sens précis à chacun d’entre eux, de ne pas retenir un terme dont la signification choque dans une variété linguistique particulière, entre autres.
Le lexique présente une difficulté énorme dans la standardisation de l’amazighe, cela est perceptible à travers les textes standards de lecture dans lesquels nous avons constaté un écart énorme entre les trois grandes variétés du Maroc et qui perturbe et influe sur l’intercompréhension entre les trois variétés.
La question qui se pose est la suivante : quel terme choisir dans le cas de l’existence de trois mots différents celui du Nord, du Centre ou du Sud ?
Il est de noter également qu’au sein même d’une seule variété se pose le problème de la synonymie, de la pluralité des schèmes du pluriel. Alors c'est en matière de lexique que la divergence entre les variétés de l’amazighe est la plus marquée et la plus immédiatement apparente.
Le nombre de termes de chaque variété employé dans des textes standards montre ce déséquilibre et cet écart entre lexiques des trois variétés du Maroc.
Pour illustrer la difficulté d’une telle standardisation lexicale, nous présentons quelques termes :
Notons également que les manuels amazighs emploient des consignes considérés de l’amazighe commun. En ce sens, F.Agnaou note que le lexique relatif aux consignes pédagogiques destiné à l’apprenant est majoritairement extrait du lexique commun de l’amazighe sur la base du critère de la fréquence1 :
- Ad Çëv, sawlv2 “J’observe et je m’exprime”
- Ad ssfldv “J’écoute ”
- Ad smdv “Je complète”
1 F.Agnaou, « Curricula et manuels scolaires : pour quel aménagement de l’amazighe marocain ? », asinag, 3, 2009, p.109126
2 Les exemples tirés de l’article de F.Agnaou sont transcrits uniquement en latin.
- Ad vrv “Je lis ”
- Ad snvlv “Je copie ”
- Ad zdiv “ Je relie”
- Ad ktiv “Je retiens”
- Ad sniyv “Je construis”
- Ad rarv xf isqsitn “Je réponds aux questions”
Ces dix consignes sont destinées aux apprenants marocains. Ces derniers doivent les saisir pour répondre à ce qui est demandé. Cependant, l’apprenant rifain ne peut comprendre que deux consignes sur dix de ces consignes. Autrement dit, la représentativité lexicale rifaine est de vingt pour cent (20℅=1/5). Alors s’agit-il de l’amazighe commun ? Comment répondre sans comprendre la consigne ? Sachant que la consigne pédagogique est apprêtée à l’apprenant et vu la faible représentativité lexicale rifaine, quelle serait la réception ? Et comment l’enseignant expliquerait-il des termes qu’il ne comprend pas ?
Dans ces consignes, le lexique présente un problème purement didactique. Les consignes, surtout de lecture, ont un double effet : l’élève est actif, il a une tâche à exécuter, il ne s’arrête pas au premier obstacle linguistique et secondement la consigne construit la compréhension en guidant le lecteur (les consignes de lecture dans la perspective de l’approche globale ne sont pas des questions de vérification de la compréhension.)
2. L'aspect syntaxique
Tous les linguistes de l’amazighe sont unanimes que l'aspect le plus unificateur de la langue amazighe est son aspect syntaxique3. L’amazighe, dans toutes ses versions, révèle quasiment les mêmes caractéristiques syntaxiques. Bien que la syntaxe soit le domaine où l’unité de la langue amazighe est la plus manifeste, elle ne peut s’échapper, à l’instar des autres aspects, au phénomène de la variation linguistique. Toute tentative d’harmonisation et d’uniformisation est confrontée à la variation. Alors la question qui se pose : quelle structure standardiser ou imposer ? La diversité des usages syntaxiques sont quelques fois complexes.
Il est des structures dans une variété de l’amazighe qu’on ne trouve pas dans d’autres. Ceci est perçu dans les manuels scolaires de l’amazighe4 dans lesquels les structures employées ne convergent pas à celles des usagers rifains telles que :
(P)5: (standard)
Tga tinhinan tagllidt tamazivt ittwassnn g umzruy n tmazva
" Tinhinane est la reine amazighe connue dans l’histoire de l’Afrique du Nord.
"
Tinhinan d tajedjidt tamazivt ittwassnen deg umezruy n tmazva ;(Nord)
(P2)6 : Azul! Nkk tifawt. Ma ism nnm?
3 Ce qui a été démontré par Cadi. K. dans sa thèse de Doctorat : Transitivité et diathèse en tarifit
4 Ici, nous parlons des textes standards communs à lire par tous les Imazighen du Maroc.
5 Ibid, page 16
" Bonjour ! Je m’appelle Tifawt et toi comment t’appelles-tu ? " Azul! Necc d tifawt. Ism nnem? (Mamec d am qqaren?). (Nord)
(P3)7 : Da gis ttwaggnt kigan n tvawsiwin zun d apidus d uwrar d igrawn n inflas." Beaucoup d’activités se font au sein de cette Kasbah comme Ahidous, les
chants et des assemblées des personnages influents de la tribu. "
Ttwaggent days aïïaà n tmeslayin am upidus d wuraren d iyyrawn n ymvaren. (Nord)
(P4)8 : Wanna d ikkan tivrmt n yifri, ur sar ittu asnbgi n midd içiln.
"Celui qui a vu la ville d’Ifri n’oublierait jamais l’accueil chaleureux de ses habitants"
Wnni ikkan tivremt n yifri, oemmarà ittu asnwji n ywdan içiln. (Nord)
(P5)9 : “tikklt yaänin, ad ur tkccmt asif, hann ra k yawi!”
" La prochaine fois, ne t’approche pas du fleuve, il t’emportera ! " “tawala nniäen , war ttadef ivzaë, aqqa ad cekk yawi!” (Nord)
(P6)10: Ur as d usin imïïawn. (Standard) "Il n’a pas pu pleurer"
War d as d usin imeïïawen. (Nord)
Ces phrases standards du manuel de la cinquième année posent des problèmes syntaxiques. La première phrase (P1) est une structure qui ne converge pas avec celle du Rif. (Tga) qui peut être remplacé par la particule prédicative (d) ne peut être effectué dans ce contexte : pour le Nord au lieu de (Tga tinhinan tagllidt...) nous disons (tinhinan d tagllidt...). Cette particule (au Nord) se place juste avant le prédicat.
Concernant le deuxième énoncé phrastique (P2) le pronom personnel autonome11 (Nkk) quand il occupe la fonction de sujet, il est suivi de la particule prédicative(d) : necc d tifawt (moi, tifawt/ je suis tifawt). Cette phrase n’est pas attestée au Nord. De même la phrase interrogative (Ma ism nnm? / Quel est ton nom ?) N’est pas attestée au Nord. De plus, cette phrase est traduite de l’arabe. Nous constatons l’emploi des structures et des formes étrangères aux apprenants rifains dans l’existence d’autres énoncés employés fréquemment par les usagers de cette aire linguistique, tels que : (mamec d ac qqaren ? mamec ttegged i yism ? ism nnec ?) et j’en passe.
6 Ibid, page 38
7 Ibid, page 52
8 Tifawin a tamazight 5, manuel de l’élève, page 52
9 Ibid, p. 72
10 Ibid, p.80
11 Le pronom autonome, appelé aussi pronom indépendant ou tonique, se comporte comme un groupe nominal en assumant toutes les fonctions de celui-ci.
La troisième phrase (P3) pose problème aux niveaux de l’ordre ou de l’agencement des mots et l’existence d’un morphème aspectuel (da) qui ne signifie rien en tarifit. : (Da gis ttwaggnt kigan n tvawsiwin.)
En ce qui concerne l’ordre, la préposition étoffée (gis/days12) se place après le verbe à la forme passive (ttwaggent days...). Cette structure non attestée au Nord pose problème pour le récepteur rifain. De plus la particule aspectuelle (da) absente de la grammaire rifaine ne peut que rendre cette phrase étrangère. Du coup cette imposition de la structure de l’autre est à revoir. Il est de noter également que la quatrième phrase (P4) (Wanna d ikkan tivrmt n yifri, ur sar ittu asnbgi n middn i?iln.) comporte un (d) qui n’est pas attesté au Nord (wnni ikkin...) L’avant dernière phrase (tikklt yaänin, ad ur tkccmt asif...) et pour exprimer une forme impérative, on constate l’emploi de (ad ur) qui traduit une nuance sémantique supplémentaire par rapport à l'impératif négatif sans ad. Il s'agit de l'expression de la menace ou de l'interdiction.13
Cette structure non attestée au Nord, imposée dans les manuels amazighs ainsi que dans la nouvelle grammaire de l’amazighe, ne fait qu’éloigner les rifains de leur langue maternelle en créant un déphasage entre la langue enseignée et la langue parlée quotidiennement. S’agit-il alors d’un enseignement progressive de l’amazighe marocain dans la diversité de ses structures ou d’une imposition ou standardisation des structures de l’autre ?
La dernière phrase “ ur as d usin imïïawn “, constitue elle aussi un problème de l’agencement des mots, étant donné que le (d), particule d’orientation, en tarifit se place, dans les phrases négatives, après le complément affixe (as). Quant à cette structure, elle est employée dans le langage enfantin ou par les non natifs qui n’ont pas encore intériorisé les structures internes du rifain.
D’un point de vue syntaxique, la langue amazighe demeure une, et les différences qui peuvent être observées sont loin de constituer un problème majeur. Cependant, la variation devrait être exploitée d’une manière équitable.
La standardisation de l’Ircam procède à la relexicalisation14 en employant le lexique d’une langue variété avec la grammaire d’une autre variété comme dans les exemples suivants :
(P1)15: Llan gisn aïïaã n wanawn "Il contient plusieurs genres".
daysen aïïaã n wanawn (Nord)
(P2)16: Ggutnt tmitar n tfinav lli ittwavzn niv ivman xf i?ëan. "Beaucoup de signes de tifinagh qui sont sculptés sur des pierres".
12 Les prépositions simples peuvent prendre des formes étoffées lorsque leur complément est un pronom personnel affixe :
---------------------- deg, di + pron. 3ème sing. days ;
---------------------- var + pron. 3ème sing. vars;
---------------------- xef + pron. 3ème sing. xafs;
---------------------- zi + pron. 3ème sing. zzays;
---------------------- aked + pron. 3ème sing. akides
13 La nouvelle grammaire de l’amazighe, pp.97-98.
14 Relexicaliser ou relixifier une langue consiste à utiliser le lexique d’une langue A avec la grammaire d’une langue B. L’exemple historique (donné par Meillet, 1921 : 95) est celui de la langue des Tsiganes d’Arménie, dont la grammaire est arménienne et le lexique tsigane. (Cité Par Marie-Louise Moreau (éd.) in Sociolinguistique: les concepts de base, p. 44, Mardaga, 1997
15 Tifawin a tamazight 4, manuel de l’élève, page 58
aïïaà n rimat n tfinav nni ittwavzen niv ivmyn xef yçëa.
En analysant les deux phrases (P1) et (P2) nous constatons qu’elles sont élaborées dans la langue du Sud : sur les plans syntaxique et lexical auxquelles on a ajouté des connecteurs du Rif17. Alors la question qui se pose : est-ce que le rifain ne sert qu’à lier ? Comment peut-on unifier ces structures de relexicalisation ? Est- ce que ce procédé qui consiste à utiliser le lexique d’une variété avec la syntaxe d’une autre variété est le procédé meilleur pour standardiser la syntaxe amazighe ?
Il est de notre et à l’instar des textes standards de lecture, objet de notre corpus, que la démarche suivie par les élaborateurs des manuels amazighs, sur le plan syntaxique, est l’élaboration des textes dans une variété à laquelle on ajoute des connecteurs logiques des autres variétés et quelque termes pour formuler des textes standards. Y a –t-il d’autres procédés ? Ce procédé que recourt la plupart des auteurs qui produisent des textes en amazighe standard n’est pas objectif et ne fait que construire une langue loin de l’usage quotidien des amazighs.
De ces constations précitées, nous remarquons que l’uniformisation des faits de variation syntaxique s’annonce plus difficile. Car, en intervenant sur les données de la syntaxe, l’aménageur risque de mettre en péril les fondements même de la structure de la langue dont la syntaxe constitue la charpente principale.18
Pour plus de précisions nous avons relevé les exemples suivants :
iqqan d awal g izli ad yili ivuda. 19 « Il faut que les paroles soient belles.»
L’agencement des mots dans cet exemple est loin d’être commun. En rifain, la phrase la plus attestée est la suivante : « ixeÃÃ ad yili wawal icna. »
ar gis ittili ufus t issunnuän pma ad invd imndi. 20 «Elle a une manche qui la fait tourner afin de pulvériser de l’orge. »
Cette phrase est construite dans une variété autre que celle du Rif. Pour marquer cette phrase comme standard, les élaborateurs du manuel ont ajouté un lexique dit commun, cependant, cette phrase (surtout ar gis et son emplacement au début de la phrase) demeure insaisissable par l’apprenant rifain. D’une part « ar »21, particule aspectuelle pour l’expression de l’aoriste intensif est caractéristique d’une autre variété, et l’aoriste intensif peut être exprimé, au Nord, sans ce morphème, de l’autre le groupe prépositionnel « gis/days » s’emploie après le verbe «ittili days ufus t issunnuän pma ad invd imndi.»
Waxxa tga tazzult n unvmas tin imxumbar, llan wnni tt ittirin. « Quoique le métier du journaliste soit difficile, mais il y a ceux qui le préfèrent. » Standard
La structure de cette phrase n’est pas celle du Nord, cependant, nous constatons l’insértion des termes appartenant au rifain (waxxa, imxumbar, wnni) pour qu’elle soit standard.
Bien que cet énoncé comprenne des termes rifains, cependant, il reste insaisissable par l’apprenant rifain pour les raisons suivantes :
16 « Tifawin a tamazight 5 », manuel de l’élève, page 24
17 De plus, quand on insère un terme rifain dans un texte standard nécessairement on l’explique et dans le même texte surtout par le procédé de la synonymie et le contraire n’est pas vrai.
18 Boumalk, A. (2009), « Conditions de réussite d’un aménagement efficient de l’amazighe », dans Asinag, 3, 2009, pp. 5361.
19 « Tifawin a tamazight 4 », manuel de l’élève, page 72
20 Ibidem, p. 86.
21 De plus, pourquoi l’élève rifain doit apprendre les procédés de la conjugaison des autres variétés ?
- L’absence du génitif n (tin imxumba/tenni n yemxumbar) ;
- Le verbe copule tga qui peut être parfois remplacé par la particule prédicative d se
place après le sujet (d tenni n yemxumbar) ;
Llan wnni tt ittirin est une phrase inacceptable en raison de l’accord (llan yinni tt ittirin ou illa wenni tt ittirin ;
Le remplacement de tin par tenni entrainera l’état d’annexion
du nom qu’il précède.
Waxxa tazzult n unvmas d tenni n ymxumbar, llan yinni tt ittexsen. Nord
Cette imposition de la syntaxe des autres variétés ne peut que créer des problèmes de la réception de cette norme.
Nous disons que ce procédé est à revoir.22
Un autre procédé est employé sur le plan syntaxique, il s’agit d’une structure rifaine (ou commune) à laquelle les concepteurs de manuels ajoutent le lexique des autres variétés, comme dans l’exemple suivant :
Tsul tinhinan tga asafu n tmvarin tilelliyin vur imzdavn n uhggar n was a. (Standard)
Teqqim tinhinan d asafu n tmvarin tilelliyin var imzdav n uhggar n wass a. (Nord) Notons qu’un fond commun sur le plan syntaxique existe entre les trois grandes variétés du Maroc, mais il faudrait l’exploiter d’une manière équitable.
Si le but de la pédagogie et surtout des nouvelles pédagogies (approche par les compétences et la pédagogie de l’intégration appliquées au Maroc) est de mette l’apprenant au centre du processus enseignement-apprentissage, il faudrait, dans le cas de l’amazighe, lui apprendre dans sa langue maternelle.
3. Les aspects morphologique et phonétique
Les aspects morphologiques et phonétiques sont indubitablement les aspects les plus différenciés de la langue amazighe23. C’est précisément sur ces aspects que les variétés de l’amazighe sont plus ou moins différents les uns des autres. La différence peut être assez grande pour que la communicabilité mutuelle s’avère impossible. Cependant, comment les variétés de l’amazighe sont-ils arrivés à être différents sur ces deux aspects ?
Dans n’importe quelle langue, les mots, chargés de sens, sont également des formes, et les formes changent avec le temps. En fait, les plus grandes différences morphologiques peuvent être réduites à des différences phonétiques.
D’autres différences sont dues au fait que certaines variétés avaient gardé la majorité des caractéristiques morphologiques originelles de l’amazighe, tandis que d’autres, au moyen d’analogie, avaient simplement abandonné les formes originelles. C’est le cas de la particule prédicative "d" conservée par le Tarifit, et que d'autres variétés avaient perdu ou avaient partiellement perdu. Il y a également des différences qui sont dues au fait que les variétés avaient simplement développé des variétés des formes originelles. Cependant, quoique ces variétés puissent être tout à fait différentes d’une variété à l'autre, elles peuvent être néanmoins reconstruites pour retrouver les formes originelles sans trop de coûts. Nous pouvons dire que les différences morphologiques ne poseront pas de sérieux problèmes dans
22 Nous proposons la création des écoles, par l’IRCAM, pour tester l’implantation de la norme avant sa diffusion. Ces établissements composés des apprenants arabophones et amazighophones seraient « le laboratoire » de l’IRCAM.
23 Par: Madjid Alaoua in: Http://matoub.kabylie.free.fr/culture-kabyle/tamazight-1.htm, Avril 2009.
la standardisation de la langue amazighe dans le cas de la conservation de la forme la plus productive, cependant, à travers les manuels qui servent de modèles à cette unification d l’amazighe, nous constatons une pluralité des schèmes au niveau:
De la formulation du pluriel :
Nord Standard
- Iseggusa “Années” isgÅasn
- Ibriden “Chemins” ibrdan
- Imeqqëanen “Grands” mqquënin
De la conjugaison :
Nord Standard
- Ntaf “Nous trouvons” nttafa
- Ad 14an“Ils protègeront” Ad 14un
- Ccin ccan
- ttejjan ttejjan
De l’état d’annexion :
Nord Standard
- n uÇëu“De la pierre” n uÇëu
- “De l’homme” n urgaz
- n uyis “Du cheval ” n wayyis
- n yetran“Des étoiles” n itran
Le choix ou encore l’adoption d’une forme au détriment de l’autre met l’apprenant dans une situation d’insécurité24.
L'aspect phonétique est apparemment celui qui est censé poser le plus de problèmes dans la normalisation et l’homogénéisation de la langue, particulièrement du Nord au Sud. Mais la question la plus intéressante est celle de savoir si l’amazighe peut être normalisés et harmonisés au niveau phonétique. Beaucoup de gens diraient probablement que non. Mais si nous étudions soigneusement ces différences, nous aboutirons à la conclusion que la majorité de ces différences n’est pas pertinente. En d'autres termes et linguistiquement parlant, elles ne sont pas phonologiques25. Alors, comment ce problème peut-il être résolu en normalisant la langue ?
Le choix d'un système phonologique strict d'écriture implique, à long terme, l'avantage d'affaiblir les différences phonétiques entre les différentes versions de l’amazighe. En fait, il n’existe aucune langue pour laquelle la version écrite correspond entièrement à la version parlée, pour une raison simple: la langue écrite a tendance à être conservatrice, ce qui n'est pas le cas de la langue parlée qui change avec le temps. Mais cela ne veut pas dire abandonner toutes les caractéristiques phonétiques et commencer l’enseignement uniquement par tout ce
24 Selon Jean-Louis Calvet, il y a insécurité linguistique lorsque les locuteurs considèrent leur façon de parler comme peu valorisante et ont en tête un autre modèle, plus prestigieux, mais qu’ils ne pratiquent pas. » (La sociolinguistique, Que sais-je).
25 A l’exception de quelques phonèmes, de quelques règles de l’insertion du schwa25 et des voyelles centrales omis dans l’aménagement de l’IRCAM.
qui appartient à l’écrit, l’usage de l’oral et de l’oralité sont indispensable dans l’enseignement de l’amazighe, surtout dans les niveaux primaires.
Nous pensons que le problème est résolu en optant pour un système phonologique strict et nécessaire de transcription. Cela veut dire que toutes les caractéristiques phonétiques, dans n'importe quelle variété, qui ne sont pas pertinentes26 ne seront pas représentées dans le système. En revanche, il reste toujours des problèmes au niveau de la standardisation de la phonétique donc de la prononciation. Et la question qui se pose est la suivante : quelle prononciation standardiser, celle du Nord, du Centre ou du Sud?
Les divergences, sur le plan phonétique, entre, surtout le Nord et le Sud, sont flagrantes.
L’absence de la voyelle27 centrale des manuels de l’amazighe pose problème. En ce sens, si l’acquisition de la grammaire et du vocabulaire d’une nouvelle langue demeure largement ouverte, la prononciation ne peut plus être celle des locuteurs naturels de la langue que l’on apprend.28 Ceci est vrai puisque l’apprenant rifain en le privant de ses phonèmes, de sa voyelle centrale, ressent apprendre une nouvelle prononciation appartenant aux variétés Centre et Sud.
Pour mieux expliciter notre propos, nous proposons les exemples suivants où nous constatons un écart entre la langue rifaine et la langue standard ou encore entre le rifain et les deux autres variétés du Maroc :
L’absence de la voyelle centrale :
Tarifit Standard
- var (Lire) vr
- Çaë(Regarder) Çë
- Fsar (Mettre à sécher) fsr
- Äaë (Descendre) äë
- –aëes (Egorger) vëÃ
- / Çbaë (Elaguer) Çbë
- L’absence de la voyelle initiale : le rifain, à l’inverse des variétés Centre et Sud, a
conservé la voyelle initiale d’un certain nombre de verbes. Cette voyelle est la marque du
rifain. Priver le petit rifain de ses voyelles centrales, c’est le
déposséder de ses
caractéristiques phonétiques.
Dans les exemples suivant, peut-il l’enseignant articuler ces verbes sans la voyelle centrale ?
26 En phonologie, on appelle trait pertinent un trait distinctif qui, dans l'organisation d'une langue particulière, sert effectivement à distinguer deux phonèmes: /p/ et /b/ se distinguent par le trait de voisement : (/p/ :- voisé et / b/ : +voisé).
27 Le rifain présente de nombreuses et importantes particularités de prononciation qui le distinguent fortement des autres dialectes berbères, même ses voisins marocains. Certaines de ces particularités, comme la spirantisation des consonnes occlusives berbères, peuvent se retrouver dans d’autres dialectes notamment le kabyle, d’autres sont très spécifiques au rifain. Depuis une dizaine d’années, il y a des débats réguliers dans les milieux universitaires et associatifs rifains, aussi bien au Maroc qu’en Europe, pour essayer de fixer une orthographe unifiée et stabilisée du rifain. Actuellement, les pratiques restent très diverses et largement déterminées par les prononciations locales. Le problème du rifain est en fait assez compliqué car cette variété de berbère est à la fois diversifiée en elle même et fortement divergente par rapport au reste du berbère.
In http: // www .centrederechercheberbere.fr/rifain.html, Septembre 2010.
28 Hagège, C (2009), Dictionnaire amoureux des langues, p.67.
Nous disons qu’il est impossible d’imposer une prononciation sur une autre. De plus cette standardisation de la prononciation de l’autre ne fait que créer une insécurité linguistique29 chez l’apprenant rifain.
Tarifit Standard
- arbu(Endosser) rbu
- arwer (S’nfuire) rwl
- Aëäeë (emprunter, prêter) ëäl
- aë?em(Ouvrir) ë?m
- aëe?(Casser) ë?
- La gémination : à travers les manuels étudiés, nous constatons que la
gémination optée dans les manuels de l’amazighe ne converge pas à celle attestée au Nord. Ce choix exige un remplacement d’une articulation par une autre de l’apprenant rifain.
Tarifit Standard
- Tira (Ecriture) Tirra
- Ãebbanya(Espagne) Ãebbanya
- L’absence de la voyelle finale :
Nombre de voyelles finales sont écartées de la langue standard. Pour le rifain, l’absence de ces voyelles implique un changement sur le plan phonétique ce qui influe sur la réception. D’ailleurs cette voyelle finale peut être remplacée par un schwa, ce qui n’est pas le cas dans les manuels de l’amazighe.
Tarifit Standard
- summar (Prendre un bain de soleil) summr
- Zuzzar(Vanner) zuzzr
Comment pouvons-nous normaliser ou imposer une norme dans l’existence de ces variations phonétiques ? Rappelons que la langue-entendue d’abord comme la propriété des locuteurs.
Généralement, nous parlons de deux types de rejet qui se faisaient principalement jour. D’un côté, ceux qui croyaient qu’avec un modèle de langue standard, la richesse des variétés linguistiques se perdrait et que la langue elle-même s’appauvrirait. D’autre part, la crainte que, si le choix était fait d’une variété en particulier, les autres locuteurs se sentent complexés en raison de leur manque de maîtrise de cette variété, et que cela conduise à créer des Amazighs de première et de deuxième catégories.
L’insertion de l’amazighe dans les cursus scolaires constitue un événement historique. Cependant, son passage de l’oralité à la scripturalité est problématique, non pas parce que la graphie ou encore la notation de l’amazighe marocain est à tendance phonologique, mais
29 Notons que la notion de l’insécurité linguistique est apparaît pour la première fois en 1966 dans les travaux de W.Labov sur la stratification sociale des variables linguistiques. Selon Michel Francard, l’insécurité liguistique est présentée comme une manifestation d’une quête de légitimité linguistique vécue par un groupe social dominée, qui a une perception aiguisée tout à la fois des formes linguistiques qui attestent sa minorisation et des formes linguistiques à acquérir pour progresser dans la hiérarchie sociale. En d’autres termes, les locuteurs dans une situation d’insécurité linguistique mesurent la distance entre la norme dont ils ont hérité et la norme dominant le marché linguistique. Cité dans Socilinguistique : les concepts de base, Marie-Louise Moreau, pp.170-171
parce que la standardisation et l’adoption d’une langue unifiée s’écarte, au moins pour le rifain, de la langue parlée au quotidien.
L’unification de l’amazighe est l’ambition de tout amazighophone à condition qu’elle soit objective.
L’analyse des textes standards des manuels enseignés montre la prédominance des autres variétés du Maroc surtout sur le plan lexical.
Nombre de chercheurs constate que la standardisation ou encore l’élaboration des textes standards consiste en la représentation lexicale de chaque variété au sein du texte standard, alors que cette unification pose d’autres problèmes :
- syntaxiques étant donné que chaque variété a ses spécificités syntaxiques ;
- morphologiques qui résident au niveau de la morphologie verbale et même nominale dans la formation du pluriel et de l’état d’annexion ;
- phonétiques au niveau de
l’imposition aux apprenants d’une prononciation autre
que celle de sa langue maternelle.
Alors comment peuvent-ils, les concepteurs des manuels amazighs élaborer des textes standards d’une manière équitable, d’une manière objective en essayant le maximum possible de ne pas construire une langue en déphasage totale en rapport avec l’amazighe vivant et parlé ? Notons qu’une langue est vivante parce que des groupes de personnes s'en servent dans la communication quotidienne.
El Hossaien FARHAD
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Numéro 81 Janvier 2016
Sin Isefra sɣur Malek Hud :
1. Si Muḥend U Mḥend
Yuḍen aṭan n tikli
Yedda d ubeḥri
Tefka-t tmurt i tayeḍ
Awal yeskefkuf deg (yi)mi
Yenna-t ɛinani
Ɣer wul n umdan yewweḍ
Yerwa terzeg n yilili
Ur yessin tili
Tayerrust n zzman teẓmeḍ
Yexreb targit urumi
Yessnegren tayri
Imeṭṭi d yidim yexleḍ
Leḥzen, yessen-it d ilemẓi
Lmut d umerẓi
Adeddic yeɛmer d rrseḍ
Ɣef yal tamsalt yessefra
Ur yunif i kra
Amur ameqqran d tayri
Ɣef zzman ucmit yura
Yessexreb tirga
Ɣef widak ur nettsetḥi
Yenna awal mačči s tuffra
Yecbeḥ d isefra
Yesla-t umdan yergagi
Azal n tmeṭṭut yerna
Iɛedda i usigna
Abrid-is metwal itri
Yessefra mačči d kra
Mazal ar tura
Lehdur-is rran tili
Deg (yi)berdan yewwi asurif
Yedda ur yengif
Asebsi-ines d amwanes
A-t-an iɛedda i Sṭif
Ɛennaba n lḥif
Tefka-t akkin ɣer Tunes
D asemmiḍ, d azɣal kif-kif
Yezdi d uɣilif
Akka i tga tudert-ines
Amzun yettawi-t wasif
Yeṭṭafar rrif
(de)G waluḍ n zzman yexnunes
Asebsi yeččur d lkif
S wawal yeshetrif
Imi-s yettarew-d times.
Tazmalt ass n: 02/12/2003
2. Tayri D tafsut m yijeǧǧigen
D tizegzewt n yigenni
D timerqemt m yal ini
D ccbaḥa-nni ijeggḥen
Akkagi i tga tayri
D tinebgiwt n wulawen
D aɛraq n lecɣal merra
D tittin anda ddan wussan
Amzun d taffugt deg (yi)genwan
Tekkat deg wul tmeɣra
Tayri ur tesɛi afran
Win i tt-iɛuljen yenza
Ul n tlemẓit yelɣuɣi
Tayri ur tesɛi aḥezzeb
S yimeṭṭawen d aǧelleb
M(a) ur tewwiḍ ara ar lebɣi
Ccɣel-ines d asegrireb
Tayri, laɛqel-is d anubi
Tisura n tumert d tayri
Tignewt n tayri d tafsut
D tazegzawt ulac tagut
D uḍan tezdeɣ tziri
Tayri tga am tsekkurt
Yesɛan iḥiqel ɣef yiri
Taseftit n umyag « ḥemmel »
Imqimen d « nekk » d « kemm »
Tayri deg-sen tettellem
Yeḥmel wul ad as-isel
Agama iɣucc ilem
Yyaɣ kan ad neddukel.
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tanemmirt, i kra iẓuren ayamun, cyber-tasγunt n tsekla tamaziɣt, ar tufat !
@Copyright ayamun 2000
Dernière révision :
05/02/2016
[1] Dictionnaire des symboles, p.941.
[2] http://www.u-grenoble3.fr/ouamara/fichiers/contekabyle.html
[3] Voir sur ce point Pierre Bourdieu, L’honneur kabyle, Paris, 1972.
[4] LACOSTE-DUJARDIN, Camille, Le Conte Kabyle, Etude ethnologique, Editions Bouchène, Alger, 1991, p.211.
[5] Dictionnaire des symboles, Op. Cit.
[6] Emile Dermenghem, in : http--alger-roi_fr.mht : Légendes Kabylesb / la litterature populaire magrebine, contes, documents algériens, consulté le 01 août 2014.