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Ayamun cyber-tasàunt n tsekla n Tmaziàt

ayamun

cyber-revue de littérature berbère

Mai 2000    Numéro 1

 

 

 

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 Sommaire:

 

Voici le contenu de ce premier numéro:

1°)_une émotion

2°)_un texte en prose

3°)_une biographie

4°)_un article de presse

5°)_un poème inédit

6°)_un embryon de cyber-librairie

 

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Mai 2000 numéro 1

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L'EMOTION:

Peintre au talent reconnu, originaire de Leflay (Sidi-Aïch), promis à un grand avenir, Hassen Chérid, né en 1973, vient malheureusement de disparaître précocèment il y a quelques semaines.

Cette mort injuste laisse un grand vide pour tous ceux qui l'ont connu, sa famille, ses amis et ses admirateurs. Malgré une courte vie dans un pays perpétuellement meurtri, Hassen a créé une oeuvre picturale importante toute de sensibilité et d'amour, mais aussi de douleur. Ses toiles sont un hymne à la culture amazigh.

Hassen Chérid a notamment exposé:

_ à la Maison de la Culture de Béjaïa en 1995

_ à la Faculté de Constantine en 1997

_ au Festival d'Art Plastique de M'sila en 1998

_ au 1er Festival d'Art Plastique de Tizi-Ouzou (1er Prix)

_à l'Espace Arts Plastiques de Vénissieux, 10 Juin au 10 Juillet 1999.

C'est un grand artiste, un génie en herbe, qui s'en est allé !

Ad d-yazen Rebbi ssber i imawlan !

 

Le tableau présenté ici s'intitule AMACAHU !Cherid1

Cherid2

 

 

 

 

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Mai 2000 numéro 1

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LE TEXTE EN PROSE:

 Il s'agit d'un extrait d'une nouvelle de Amer Mezdad, traduite du Kabyle et publiée par Salem Chaker dans la NRF (Gallimard, Paris) n° de Juin 1996. Prochainement, nous diffuserons la version originale en langue kabyle (18 pages inédites).

 

 Titre: Eux, le Corbeau et Nous (extrait)

 

   _Donc, avoues ton ignorance, tu es incapable de me dire pourquoi depuis la nuit des temps, Eux sont toujours devant et nous toujours loin derrière. Ils sont passés maîtres dans l’art d’avancer et nous dans celui de reculer !

 _Je donne ma langue au chat, Tonton Moh, lui répondis-je, mais il doit certainement y avoir une raison.

 _ Sais-tu seulement pourquoi le corbeau est tout noir ?

Et le voilà qui commence à me donner les raisons du marasme généralisé dans lequel nous baignons depuis des temps immémoriaux. Notre retard dans tous les domaines du savoir est en relation directe avec l’origine du plumage noir du corbeau.

C’est une habitude chez lui d’entamer un sujet de discussion à chacune de nos rencontres. Dès qu’il met en branle son argumentaire, le partenaire se doit d’écouter, et il devient pratiquement impossible de placer un mot. Et le voilà qui me raconte une fois de plus une des histoires favorites : Eux, le Corbeau et Nous.

Cette histoire, je la connais par cœur pour l’avoir écoutée des dizaines de fois, mais pour ne pas le choquer, je ne dois surtout pas le lui rappeler, car Tonton Moh est devenu très susceptible ces derniers temps. L’ennui qui pèse sur ses vieux jours aiguise en lui ce besoin de palabre ! Dès qu’il trouve une oreille hospitalière, Tonton Moh n’hésite pas à s’en servir. C’est pour cette raison que dès qu'il se met à parler, le meilleur choix du moment est celui de l ’écouter.

Tonton Moh, en fin conteur, ne raconte jamais ses histoires de la même façon : à chaque fois, il ajoute ou enlève un mot, une phrase, une intonation, une émotion, si bien que ses histoires sont sans cesse renouvelées. En vérité, à écouter Tonton Moh, on est toujours surpris.

Dans cette dernière version, les poux que le Corbeau a déversés sur nous ne sont pas ordinaires : leurs pattes sont enduites d’une substance gluante qui vous colle à la peau, s’y accrochant avec force. Cette glu sécrétée avec abondance est particulière par sa facilité de durcir rapidement et son absence de couleur : translucide, l'œil humain est incapable de la distinguer de l’eau que nous buvons. Une fois collée à la peau, cette glu s’infiltre dans nos veines et finit par parasiter notre intimité génétique et devenir héréditaire. Tout enfant nouveau-né sera immédiatement enveloppé par cette glu dont il ne pourra plus jamais se débarrasser. Il sera obligé de vivre avec, de la même façon qu’il vit avec la couleur de ses yeux ou la taille de son nez. C’est un caractère qui ne peut ni se modifier ni s’effacer impunément, qui durera le temps de la vie, pour passer des parents eux enfants.

 _Tu vois, fiston, ce problème que nous avons avec Eux s’il ne date pas d’hier, n’est pas près d’être réglé par nos méthodes profanes : c’est au-dessus de tes forces, c’est au-dessus de mes forces. C’est ainsi depuis la nuit des temps, Eux sont loin devant et nous loin derrière. Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’Histoire, c’est indiscutable ils ont toujours été devant et nous derrière ! Tu as beau courir, ce n’est que pour mieux t'essouffler, cette malédiction nous colle à la peau, et pèse de tout son poids sur nos pauvres épaule. Ton père te l’a laissée en héritage et, toi tu la laisseras à tes enfants.

 _ Tonton Moh, tu m’as toujours dit qu’il n’existe pas de mal sans remède, tout problème a sa solution. Un jour ou l’autre, nous finirons par trouver la cause de cette malédiction. Il faut rester optimiste.

 _ Mais, mon pauvre ami, celui qui est touché par une malédiction ne peut en être débarrassé tant que les conditions qui font que cette malédiction existe continuent de courir. Ceci pour une malédiction ordinaire. Pour une malédiction particulière comme la nôtre, celle qui est dissoute dans le sang, c’est une histoire autrement plus complexe. Je ne te donne pas plus de détails.

J’aurais pu me taire, et me contenter de cette sentence, mais saisi d’un désir inhabituel de connaître ses innovations du jour, je décidai de pousser la discussion le plus loin possible. Acceptant le risque de le choquer pour une fois, je lui dis :

 _ D’après moi, pour guérir de cette malédiction, les gens doivent se retrousser les manches, et faire suer leur cuir ; tous ces oisifs qui se la coulent douce doivent se mettre au boulot. C’est grâce aux efforts de tout un chacun que la prospérité finira par jeter son dévolu sur nous, la faim et la misère ne seront plus qu’un mauvais souvenir.

Ce type d’arguments ne manquera pas de le piquer au vif. Immédiatement, sa voix d’abord monocorde presque confidentielle monta d’un cran :

 _ Tu laisses un pauvre vieux s’égosiller pour rien. J’ai l’impression que l’explication que je t’ai donnée n’a pas l’air de t’avoir satisfait. Et pourtant d’habitude... A moins que toi également tu ne sois rattrapé par toutes ces perversions mentales qui ne cessent de nous tomber dessus !

 _ Sincèrement, Tonton Moh, ce que je t’ai dit me semble logique. Pour mettre fin à ce marasme qui nous enveloppe depuis toujours, il faut nous retrousser les manches, et abattre le maximum de besogne possible, comme le font ces peuples aimés de ton fameux Corbeau.

 _Ecoute, parce que je t’aime bien, je vais tout de même t’ajouter quelques mots : Tu vois, tu as beau travailler, tu as beau faire suer ton cuir comme tu le dis, la malédiction demeurera tant que la raison objective qui lui a donné naissance reste valable. C’est ça la solution, et il n’y en a pas d’autre !

 _Donc, Tonton Moh, d’après toi, cette raison objective, existe-il une chance de la voir disparaître un jour ?

 _Là, fiston, je te reconnais ; le soc revient dans le sillon, tu reviens raisonnable. Finalement je n’ai pas tout à fait tort de m’obstiner à vouloir te transmettre le Savoir. Je vais la donner cette raison objective et tu verras qu’elle est toute logique, je vais te la donner mais à une seule condition !

 _ Laquelle ? répondis-je la curiosité l’emportant sur mon envie de dormir.

 _ Si jamais tu venais à publier ce que je vais te dire tout à l’heure, je ne veux en aucun cas que mon nom sorte dans les journaux. Il faut que tu me donnes ta parole.

 _Et pourquoi donc, Tonton Moh, il n’y a pas de mal à voir son nom publié dans un journal, bien au contraire. ll est vrai que vous autres les anciens, vous n’avez jamais vu d’un bon œil la moindre nouveauté, mais quand même !

 _ Voyons, il ne s’agit pas de cela, seulement vois-tu les Forces du Secret, Le Peuple-invisible, céleste et souterrain ne veulent pas que le Secret soit divulgué et encore moins aux étrangers.

 _ Comment tu me traites d’étranger, moi qui suis de la même terre et du même sang que toi ? Tu oublies que mon grand-père et toi, vous êtes pratiquement cousins ? Là, Tonton Moh, je ne te reconnais plus !

 _ Mais non, mais non, grosse bête, l’étranger ce n’est pas toi voyons ! Je fais allusion à tous ceux-là qui lisent les journaux, ce sont des gens de tous les horizons, il y parmi eux des Français, des Anglais, des Turcs et que sais-je, même des Chinois. Pourquoi voudrais-tu leur livrer le Secret et mon nom avec ? Je te répète : les Saints-Toujours-Présents, ceux qui peuplent le ciel et la terre ne veulent pas que le Secret soit violé. Libre à toi de ne pas leur obéir, mais moi, je ne veux pas être associé à tes bêtises. C’est pour cela qu’il faut me donner ta parole que mon nom ne sera jamais cité quelque part, ni dans un journal, ni dans une télévision, ni ailleurs. Si tu ne veux pas me donner ta parole, je sais à quoi m’en tenir: pourquoi me fourvoyer dans des situations inextricables ? Jusqu’à aujourd’hui, je suis toujours resté maître de ma langue. Je préfère m’en tenir là, et mettre fin à cette discussion, (je le jure sur les ossements des mes morts).

 _ Je te donne ma parole que ton nom ne sera évoqué nul part. Maintenant, si tu voies que tu n’as pas confiance, tu n’as pas à me dire plus, ton secret, il vaut mieux le garder pour toi seul.

 _ Bien, puisque tu m’as donné ta parole, approche et ouvre bien tes oreilles, tu sauras tout.

Son visage soudain devenu grave se figea, il changea d’expression, une solennité que je ne lui connaissais pas d’habitude paralysa ses innombrables rides, son front se plissa pour prendre un aspect de tôle ondulée. Une même immobilité s’empara de tout son corps. Cette immobilité atteignit son regard qui semble maintenant fixer une hypothétique ligne d’un horizon très loin derrière moi. Tonton Moh se prend très au sérieux ; rien dans son attitude ne semble trahir une éventuelle disposition à se jouer de moi. Ma curiosité s’est transformée en un intérêt réel. Me voilà penché vers lui pratiquement tête contre tête, prêt à saisir la moindre de ses confidences, avec l’espoir pervers de la transcrire un jour, conscient que ses fameuses révélations ne nous ouvriront jamais les portes du ciel pour nous conduire vers des contrées rêvées où vivre n’est pas un vain mot.

Evidemment, les révélations de Tonton Moh ne pourront jamais nous propulser dans un de ces pays où les misères et les angoisses qui nous paralysent sont inconnues du plus commun des habitants.

Que non ! Tonton Moh ne donnera jamais la clé qui mène au raccourci qui nous sortira de ces cauchemars qui hantent nos jours et nos nuits.

Bref, il n’accouchera jamais de la formule magique à même de faire peupler ce pays de gens ordinaires ignorant les privations, les colères et les pleurs, pour qui sourire deviendra une habitude, pour qui faire des projets et pouvoir les réaliser n’est pas une chimère, pour qui la liberté n’est pas une denrée réservée.

Bien sûr il ne pourra rien faire de tout cela, mais Tonton Moh, dans toute sa sagesse, allait peut-être m’aider à voir ne serait-ce qu’un peu plus clair dans le fouillis de cette vie que je ne cesse de subir.

Je pris une position d’attente, j’arrête ma respiration, de peur de le perturber dans sa volonté de me communiquer le Secret. je deviens oreilles ouvertes à l’affût de ses dires.

Il dit :

 _La malédiction prendra fin le jour où Dieu-Bien-Aimé le décidera dans toute sa bonté. Je suis sûr que tu te demandes dans ton impatience ce qu’il attend pour le décider ? C’est pourtant tout simple, il le décidera lorsqu’il aura vu que nous sommes revenus vers la bonne voie pour pratiquer l’innocence et la sincérité de nos ancêtres : ce jour-là, nos souffrances prendrons fin. Il pleuvra pendant six jours et six nuits ; l’eau tombera du ciel et montera des océans pour nous laver de toutes nos crasses ; la pourriture accumulée finira par disparaître, les ruisseaux et les fleuves monteront si haut que les oliviers et les frênes disparaîtront sous les flots, beaucoup seront déracinés. Malgré tout, les animaux échapperont dans leur quasi-totalité. Quant aux êtres humains bien peu survivront à ce déluge : seuls les doux et les innocents seront épargnés, car leur naïveté et leur bonté leur auront servi de bouée de sauvetage.

Dès qu’il verra que la terre entière est définitivement nettoyée, Dieu-Bien-Aimé ordonnera aux flots de se retirer : une paix et une sérénité sans pareille envelopperont les pays. Ce qui leur restera d’habitants sont derechef nouveau-nés. Dieu-Bien-Aimé jettera un regard sur les naïfs et les innocents, et la tendresse gonflera de nouveau son cœur : il jugera la punition suffisante, et la terre se repeuplera très vite. Au midi de cette nouvelle création Dieu-Bien-aimé appela le Corbeau et il lui dit :

 _ Tiens, Corbeau, je vais te confier la même mission une fois de plus, mais cette fois-ci prends garde de ne pas te tromper : je te confie ces deux petits sacs, l’un contient la Richesse et le Savoir, l’autre que tu vois là, contient les Poux et l’Ignorance. Ce sac qui contient les Poux et l’Ignorance tu le déverseras sur Eux, quant à celui-là qui contient la Richesse et le Savoir, tu le déverseras sur les Kabyles. 

Cette fois, le Corbeau évitera de se tromper, et pour cause ! une fois sa mission accomplie, il espérera comme récompense récupérer sa couleur blanche de jadis, et son noir plumage sera de nouveau plus blanc que les neiges.

Alors les Kabyles tant qu’ils sont, qu’ils soient ici ou ailleurs, qu’ils habitent les montagnes ou les plaines, les mers ou les déserts diront adieu aux poux et à l’ignorance : les faims et les misères qui nous ont collé à la peau depuis des millénaires disparaîtront de nos contrées, nous serons heureux, libres, et tout. Ce n’est qu’à ce moment-là que le Corbeau récupérera sa blancheur et pourra vivre parmi nous sans être persécuté. Le monde sera tel qu’il devra être, il n’y aura plus d’injustice, plus de souffrances et les inégalités entre les hommes ne seront plus que des bricoles qui mettront un peu de piment dans notre quiétude, car autrement la vie serait bien terne lorsque le Corbeau aura accompli correctement sa mission. La malédiction ne sera plus qu’un mauvais souvenir, mauvais souvenir que nous devrons cultiver car un peuple qui cultive l’oubli contre le souvenir, il faut le considérer comme mort puisqu’il retombera inévitablement dans les mêmes pièges. 

Tout au long de ce monologue, le visage de Tonton Moh est resté immobile, seuls les cils et les lèvres bougeaient. Tonton Moh ne sortit de son état second que lorsqu’il fut sûr d’avoir livré ses certitudes. Il n’y a pas l’ombre d’un doute que lui, sera de la partie en ce jour béni où le Corbeau aura enfin rempli sa mission. A sa manière de s’exprimer à la 2ème personne du pluriel, Tonton Moh est convaincu qu’il sera parmi les rescapés dont Dieu-Bien-Aimé tolérera la survie. Pince sans rire, je lui dis :

 _ Toi et moi, Tonton Moh je ne sais pas si nous avons une chance de vivre dans cet Eden kabyle.

 _C’est indiscutable, toi et moi, nous faisons partie des naïfs et des innocents. Moi qui suis déjà avancé en âge, je n’ai jamais cultivé le mal, c’est un fait certain que je m’en sortirai. Quant à toi, je t’ai vu bien jeune t'intéresser au Savoir, tu es assez différent de tous ces connards prétentieux qui nous compliquent l’existence, si tu persistes dans cette voie et à condition de ne pas commettre trop d’impairs, je crois sincèrement que tu as beaucoup de chances.

 

 

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Mai 2000 numéro 1

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LA BIOGRAPHIE:

 

 Vie et oeuvre de Bélaïd At-Aâli, écrivain de la Kabylie

 

Il y a 50 ans , le 12 mai 1950, à l'âge de 41 ans mourrait dans la solitude la plus totale, l'un des pionniers de la littérature tamazight, Bélaïd At-Aâli, hospitalisé dans le service des incurables de l'hôpital de Mascara.

De son nom officiel, IZARAR Bélaïd,il est né à AZRU-U-QELLAL en 1909, dans la commune de Michelet (Ain-lhemmam-Tala-n-Tsekkrin). Sa mère Nna-Dehbia étant enseignante, Bélaïd bénèficia très tôt d'une scolarité normale, chôse rare pour l'époque.

Exilé très jeune, il devient sergent-chef de l'armée française. En 1942, sa compagnie est stationnée à Gabès en Tunisie le long de la ligne Mareth. Bélaïd y attrapa le scorbut. Déserteur, il se réfugie dans son village natal jusqu'en 1946. C'est pendant cette période de clandestinité et de misère matérielle qu'il rédigea l'essentiel de son oeuvre.

Bélaïd commence sa descente aux enfers, non pas en 1942 le jour de sa désertion, qui était somme toute assumée, mais le jour où, en 1946, il prit la route du Maroc pour rendre visite à son demi-frère Muhend-Said dont il espèrait de l'aide, probablement pour l'obtention de papiers d'identité dont Bélaïd est dépourvu depuis sa désertion. Muhend-Said a vite fait de se débarrasser de cet hôte indésirable incorrigible buveur.

Déçu, ulcèré, Bélaïd entreprit à pied le chemin du retour,dans le dénuement le plus extrême.

I945:Oujda

1948:Tlemcen

1949:Mascara et Sig

1950:Mascara.

Vagabond, sans pièce d'identité aucune, il est expulsé par la police des différentes localités où il sejourne. Entre deux emprisonnements, il survivait de petits travaux (écrivain public, gardien de vergers etc...). L'alcool et la pneumonie vont faire le lit de la tuberculose qui l'emportera.

En 1949,il est hospitalisé à Tlemcen et remplit ses longues journées d'hôpital en écrivant ses souvenirs et ses poèsies. Il lisait des traités de Psychologie et des livres traitant de l'histoire de l'Algèrie ou tout ouvrage lui tombant entre les mains. Ces occupations lui rendirent l'éxil et la solitude plus supportables.

A 40 ans, ses voisins de lit l'appelaient "Chibani" tant ses cheveux avaient blanchi.Il n'avait déjà plus de dents depuis longtemps, consèquence du scorbut dont il avait été atteint à Gabès pendant la guerre.

"Mon existence s'achève, et je l'aurai dépensée jusqu'au dernier jour à imaginer et à composer des rêves".

Son oeuvre écrite a été éditée par le Fichier de documentation berbère de Fort-National (FDB) en 1963-1964 sous le titre "Les Cahiers de Bélaïd ou la Kabylie d'antan",

tome 1,textes en langue Tamazight, 478 pages.

tome 2,traduction, 446 pages.

Les premiers feuillets de son oeuvre furent publiés à partir de 1946, sous forme de livraisons mensuelles à tirage réduit de confection quasi-artisanale sous la direction de JM DALLET et JL DEGEZELLE .

L'essentiel de son oeuvre se compose de contes, de chroniques, de poèsies et d'un roman.

Les contes que Bélaïd a repris sont de facture résolument moderne avec introduction d'une fiction empreinte d'un réalisme nous éclairant sur la personnalité de l'auteur: Bela¯id s'implique dans cette fiction; les personnages de ses contes portent des noms: c'est déjà du pré-roman. L'histoire ne se termine plus sur la traditionnelle "happy-end" mais le "pauvre reste pauvre et le riche s'enrichit à ses dépens".

Son oeuvre-maîtresse est sans aucun doute "Lwali n wedrar" ( Le saint de la montagne), un roman de 111 pages avec un début, une action avec intrigue, des études de caractères et une fin. Il s'agit de l'histoire d'un dénommé "Bu- Leþtut", une espèce d'anti-héros, de niais de village, qui se retrouve, bien malgré lui, jouant le rôle de marabout "règnant" dans une montagne où les villageois viennent chercher la baraka.

Une vérité mérité d'être rétablie: le premier roman écrit par un amziþophone s'est fait non pas en Français, mais directement en langue Tamaziþt. Si cette expèrience n'a pas fructifié dans les années 45-50, cela tient à des raisons purement accidentelles, dont ma principale est, bien-sûr, la mort précoce de Bélaïd.

Bélaïd at-Ali a également écrit des chroniques telles que "sut-taddart" (les villageoises), "at-zik" (les anciens) , "Jeddi" ( grand-père).

Dans ces chroniques, Bélaïd jette un regard sympathique mais sans complaisance sur ses comtemporains, sur "la Kabylie d'antan" Béla¯id a écrit des poèmes, mais il est plus prosateur que poète, maître d'une prose consciemment élaborée.

Bélaïd a transcendé cette ambivalence qui a caractérisé nos grands romanciers des années 50. Chez lui,les choix sont clairs, le problème de la douloureuse attraction-répulsion de l'Autre, a été réglée dès le jour où il choisit de déserter. Cette impression perpètuelle d'être assis entre deux chaises, entre deux langues, se transforme chez lui en "épée de Damoclès" du fait de sa désertion et des consèquences qui pouvaient en découler. Il a fait voler en éclat son complexe de colonisé dès lors qu'il choisit de vivre en dehors de tout circuit officiel, dans une marginalité assumée et revendiquée. Parfaitement bilingue, c'est dans sa langue maternelle (Tamazight) qu'il choisit d'écrire et ce choix n'est pas innocent. Sans la moindre prétention de se voir publié un jour,il note:

"Ne croyez pas que je suis entrain d'écrire pour écrire, je suis entrain de vivre des jours qui ne sont pas ordinaires, des jours dont je ne peux pas perdre une minute, car j'ai une maladie dont je sais assez par mes lectures...".

Pour une approche plus approfondie de cet écrivain qui reste à découvrir,nous conseillons:

1°) l'article écrit par M'barek Redjala dans "Encyclopedie universalis" sur la langue et la littérature kabyles (page 602) ,I980

2°) la Revue Tafsut n°6 et 7 ,1983

3°) la Revue Boîte à Documents,n°2,1987.

Md AMEZ

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 Mai 2000 numéro 1

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L'ARTICLE DE PRESSE:

 

UN MONDE SANS "LAANAYA"

"_ La Djemâa qui peut exécuter un homme ou le priver de tous ses biens n'a pas le droit de le détenir pendant une heure " écrivait au siècle dernier le général Hanoteau, ce fin observateur de la société algérienne anté-coloniale, notamment de la Kabylie et du Hoggar. C'est dire son étonnement de découvrir une terre où la prison était inconnue, et la détention par le corps interdite.

Dans ce pays où il n'y avait ni police ni gendarmerie, l'ordre public était pourtant assuré.

En effet, jusqu'à une date très récente, et bien après l'indépendance, un trait commun caractérisait nos sociétés rurales : il s'agissait de Lâanaya. C'était plus qu'une coutume, plus qu'une tradition. C'était une véritable institution qui faisait consensus et grâce à laquelle la vie civique était possible : l'ordre public était de fait assuré de la façon la plus humaine et la plus écologique possible.

"_ Les Kabyles n'ont jamais eu de sultan mais ils ont toujours reconnu une reine, laânaya" écrivait le même Hanoteau, émerveillé par cette institution sans doute unique au monde. Ce trait sociologique qui caractérisait la Kabylie était en fait généralisé à toute l'Algérie rurale, voire l'ensemble du Maghreb.

Ce caractère sociologique, en fait véritable institution sans doute plusieurs fois millénaire, a su résister à différentes colonisations : elle est sortie pratiquement indemne de la dernière en date, l'une des plus redoutables. Seulement, 30 quelques décennies années d'une indépendance socialement déstructurante ont eu raison de cette vieille dame protectrice.

Car Laânaya, c'était en même temps la protection : protection de l'être humain en détresse, contre les forts, contre le pouvoir central, contre toutes les misères. C'était l'ultime paravent contre la mort, le dernier rempart de la vie.

Laânaya était en même temps la plus démocratique des institutions puisque tout le monde pouvait la donner, l'assurer : le marabout, le cheikh du village, l'amin, le voisin, la femme, le pauvre ou le riche. C'était un droit et un devoir que tout un chacun se devait d'assumer. Elle englobait tous les actes de la vie quotidienne dans toute leur diversité, et faisait consensus national dans ces contrées constituant le "Bled-Ssibaâ", où les pouvoirs centraux étaient de tout temps ignoré. Des lieux aussi divers qu'un banal village, une petite zaouia, une mosquée ordinaire, une simple chaumière, un chêne foudroyé pouvaient assurer Laânya.

Les 3 exemples suivants, différents les uns des autres, ont pour trait commun d'illustrer le large éventail la diversité et l'efficacité de Laânaya.

_ Un enfant, devant une fessée méritée, pouvait y échapper en demandant Laânaya à sa grand-mère ou à l’adulte le plus proche.

_ Pour échapper à une mort certaine, par exemple une vengeance, le persécuté pouvait trouver Laânaya auprès de la première zaouia rencontrée. L'Histoire a retenu le nom du Marocain Md_Waâli Awzal, cet écrivain berbérophone né vers 1680 mort en 1750 qui, pour furie une vendetta, a demandé Laânaya de la Zaouia de Tameggrut qui la lui a accordée 20 années durant. Il a mis à profit cette protection pour rédiger ses ouvrages principaux rédigés dans la langue chleuh : El_HewD et BaHr-ddummuâ.

Plusieurs siècles avant lui, un dénommé Ibn_Khaldun lui-même a profité à maintes reprises de cette institution pour échapper aux puissants de l'époque. Un de ses maîtres de même que son frère Yahya Ibn-Khaldoun, en milieu urbain et à défaut de Laânaya, ont fini étranglés.

A la lumière de ces 2 exemples, il apparaît que Laânaya est source de générosité et de richesse intellectuelle : Laânaya est un mécène qui ignore superbement les frontières !

_ Pour traverser une région aussi vaste fut-elle, il suffisait à une caravane de demander Laânaya d'un quelconque habitant de la région à traverser et le voyage avait toutes les chances de se dérouler sans encombre. Laânaya est donc sauf-conduit, un laissez-passer en béton.

_Parmi les êtres humains, la femme est celle qui détenait Laânaya la plus inviolée. Il était proscrit d'agresser un homme devant elle ! Il suffisait à un homme poursuivi et sur le point d'être assassiné de demander Laânaya de la première femme rencontrée pour qu'il bénéficie d'un sursis.

Notre histoire par le biais de Laânaya démontre qu'un peuple peut vivre normalement sans entretenir une armée. Elle est source d'économie pour le contribuable. Elle est garantie d'une paix durable.

"_Chez ces montagnards, où la liberté est plus précieuse que la vie" les nuisances sociales étaient gérées de la façon la plus intelligente possible. L'ordre public est assuré d'une façon optimale : c'était une "politique écologiquement correcte", avant la lettre.

La sagesse populaire dit : "_Que Dieu nous épargne de vivre dans un monde sans Laânaya !"

Mais voilà qu'une indépendance débridée et une incurie politique déstructurante ont annihilé une institution millénaire et efficace, à la grande joie de ceux qui nous bradé des "idéologies clés en mains". Heureux nos anciens qui n'ont rien vu !

En Algérie, en cette fin début de 20 ème siècle, parce que Laânaya est brisée, les femmes sont violées devant leurs parents, les hommes sont abattus devant leurs épouses, des crimes sont commis dans l'enceinte même des mosquées, les écoles sont désertées, les terres sont brûlées, les villages n'ont plus de "horma", d'inviolabilité, la solidarité millénaire fait place difficilement à une charité mal comprise. Et les arbres brûlés !

A.OUFREHAT

paru in LA TRIBUNE du 18/03/1995

  

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  Mai 2000 numéro 1

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Poème inédit:

 

ASEFRU N TALUFT

 

Yusa-d ɣur-neɣ

yewwi-d yid-es tikkerkas

udem-is d awraɣ

d tideţ yekka-d si tillas

 

Yurew-ed sin n wawalen

yefka-yaɣ-ten-id d tarzeft

d uqbiren d irẓaganen

ma ad ak-ed-yefk warẓez tamment

 

Tura cwiṭ akk-a a-n-yezger ɣur-wen

i-wakken ad teẓrem d acu-t

azaglu-ines d idmimen

iẓri-nnwen a-t-tezdeɣ taluft

 

D neţţa i-wumi qqaren

azrem bu-7 tsuqqas

igen deg wegbrid yedhen

agemmaḍ-in d ameqyas

Ma d imeṭtawen yeḥman

anida llan ad awen-ten-in-yawi

tilawin akk d imawlan

ad ddarin tiziri

 

Ɛ.Mezdad

Isefra n tatut

 

 

 

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L'embryon de cyber-librairie:

 

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allen n tayri de Md Aït-Ighil, recueil de nouvelles, 110 pages

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Dernière révision :16 mai 2000